Divorce Nos Dossiers Enfants Img

Les droits de l'enfant

Procédures concernées
Divorce hétérosexuel
Divorce homosexuel
Séparation
Partenariat
Modification de jugement
Convention de parents non mariés

Légitimité des droits de l'enfant

Suivant une tendance bien marquée au niveau international, le droit suisse donne des droits importants à l’enfant qui devient donc un sujet actif alors que, jusqu’à un passé récent, l’enfant n’était qu’un sujet passif, car tout était décidé sans lui.

Le texte de base, internationalement reconnu, est la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par 191 pays au monde. Seuls les Etats-Unis et la Somalie ne l’ont pas encore ratifiée.

Il vaut la peine de consulter dans le détail ce texte fondamental.

Sans surprise, l’enfant a en particulier le droit d’être protégé dans ses intérêts, le droit à des soins médicaux, à l’éducation, à la vie, aux relations familiales, le droit de ne pas être enlevé, le droit d’avoir une vie privée, le droit de ne pas faire l’objet de violences ou de brutalités, le droit d’être entendu avant qu’une décision qui le concerne ne soit prise.

Le site consacre des pages particulières sur le droit de l’enfant d’être entendu préalablement à toute décision qui le concerne, le droit d’exprimer son avis et d’entretenir des relations personnelles ainsi que sur la question du déplacement de l’enfant et de l’interdiction d’enlèvement ou de violences.

Des enfants de 9 et 13 ans ont le droit de rester seuls quelques heures en soirée (5A_495/2023, Consid. 3).

L’un des droits fondamentaux de l’enfant est d’avoir la possibilité concrète de faire valoir ses droits en justice (art. 12 § 2 de la Convention). Il s’agit de savoir si l’enfant mineur peut agir lui-même, participer seul à la procédure, nommer un avocat ou s’il ne peut agir que par l’intermédiaire de ses parents ou d’un curateur nommé spécialement à cet effet.

Selon la loi, toute personne majeure et capable de discernement peut agir judiciairement (art. 13 et 14 CC), dans la mesure où il n’est pas empêché d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques ou d’autres causes semblables (art. 16 CC).

Par conséquent, l’enfant mineur ne peut en principe pas agir seul ni participer à la procédure seul ni nommer un avocat (5A_744/2013, voir cependant 5A_91/2023, COnsid. 6.3 plus nuancé), sauf s’il s’agit de questions éminemment personnelles, résultant du droit de la personnalité propre de l’enfant (5A_796/2019), telles que le respect du droit d’être entendu ou la désignation d’un représentant / curateur (5A_796/2019) et dans la mesure où l’enfant a une bonne capacité de discernement (tel peut être le cas dès l’âge de 10 ans (5A_796/2019, 5A_655/2016). Un enfant de 7 ans n’a pas la capacité de discernement suffisante pour agir seul (5C.51/2005).

Quelques exemples :

  • Un enfant de 12 ans peut agir seul et désigner un avocat pour le défendre contre une décision qui le force à voir son père car il s’agirait là d’une décision de contrainte qui viole ses droits personnels propres (ATF 120 Ia 369)
  • Un enfant mineur peut recourir contre une décision du Tribunal de refuser de l’entendre car le droit d’être entendu est un droit fondamental et personnel de l’enfant (art. 298 al. 3 CPC)
  • Par contre, l’enfant ne peut pas recourir contre la décision de l’entendre. Seuls les parents, respectivement le curateur, ont cette possibilité (avis de la  doctrine mais aucune décision rendue par le Tribunal fédéral à ce sujet)
  • Nous considérons que l’enfant mineur pourrait agir seul et désigner un avocat pour des cas où une excision ou une circoncision étaient envisagées par l’un ou l’autre des parents (ou par les deux parents) car il s’agit là de l’intégrité corporelle de l’enfant, soit un droit fondamental et personnel de l’enfant

En bref, sous réserve de pouvoir invoquer un droit éminemment personnel et fondamental, propre au droit de la personnalité de chaque enfant (par exemple le droit d’être entendu, 5A_64/2022), l’enfant mineur ne peut pas agir seul judiciairement et sera soit représenté par ses parents, soit par un curateur au cas où ses parents divergent d’opinion ou si l’enfant le demande.

Le droit de l’enfant de connaitre ses origines (ses parents biologiques)

Le droit de connaître ses origines est complexe et controversé. La question se pose tout particulièrement en cas d’adoption, de procréation médicalement assistée ou d’accouchement sous X.

Les intérêts en jeu sont à l’évidence contradictoires : d’une part un intérêt légitime de l’enfant de pouvoir connaître l’identité de ses géniteurs (la « vérité génétique ») et, d’autre part, la préservation de la paix familiale (la non remise en cause de la filiation). Il faut trouver un équilibre entre ces deux droits légitimes, voire aussi de préserver l’anonymat des donneurs de sperme ou des donneuses d’ovules ou encore des mères qui accouchent anonymement.

La pesée des intérêts est difficile et se reflète notamment dans la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) :

  • Odièvre c/ France 13 février 2003, Protection de l’accouchement anonyme, sous réserve de l’accord exprès de la mère biologique.
  • Godelli c/ Italie 25 septembre 2012, Accouchement anonyme. Contrairement à la loi française qui laisse ouverte la possibilité de connaitre sa mère biologique à condition que celle-ci l’accepte formellement, le droit italien ne prévoit aucune balance des intérêts en présence et est donc contraire aux droits fondamentaux.
  • Jäggi c/ Suisse 13 octobre 2006, Un citoyen suisse de 67 ans demande d’exhumer son père mort il y a plus de 30 ans pour pouvoir faire établir sa filiation par des tests ADN. Refus des autorités suisses.

La CEDH considère que ce refus est injustifié et que le droit de connaitre ses origines prime dans ce cas particulier. La Cour consacre ainsi le droit à connaitre ses origines génétiques, quel que soit le mode de conception ou d’établissement de la filiation, et précise que l’intérêt à connaitre ses origines ne diminue pas, même après de très nombreuses années.

Les décisions de la CEDH se basent sur l’art. 8 de la Convention. La Suisse a ratifié la CEDH. Elle a aussi ratifié la Convention relative aux Droits de l’Enfant qui prévoit à son article 7 le droit de connaitre ses origines « dans la mesure du possible ».

Par ailleurs le droit de connaitre ses origines résulte des articles 119 al.2 let g Cst, 27 LPMA et 268 c CC.

Dans un arrêt rendu avant l’introduction de l’article 268 c CC, le Tribunal fédéral a considéré que le droit de connaitre ses origines est un droit quasi absolu, tout au moins pour un enfant majeur (ATF 128 I 63, Consid- 5.2.2).

Le droit de la filiation est en révision. La tendance est de distinguer selon que l’enfant est majeur ou mineur et qu’il est en tous les cas nécessaire de faire une pesée des intérêts, comme le fait la CEDH. Les rapports d’experts et prises de position du Conseil fédéral sont très intéressants et sont disponibles ici.

Pour la problématique de la reconnaissance en Suisse d’une GPA pratiquée à l’étranger, voir l’article de Véronique Boillet et Estelle de Luze « Les effets de la GPA à caractère international en Suisse » ainsi que l’arrêt de la CEDH du 22 novembre 2022 (la reconnaissance d’une GPA pratiquée à l’étranger doit être accordée dans l’intérêt de l’enfant qui ne peut pas être « sans parent »).

Pour approfondir le sujet, voir l’article (payant) de Michelle Cottier et Marie Fonjallaz : « Le droit à la connaissance des origines » ou celui (gratuit) de Olivier Guillot et Rachel Christinat : « Enfants nés de mères porteuses ».

Le droit à connaitre ses origines est un droit de la personnalité et un droit à l’information. Il n’entraine aucune modification juridique sur la filiation.

Le parent juridique n’est certes pas le parent biologique mais il /elle reste le parent en charge, avec toutes ses conséquences (ATF 134 III 241, Consid.5.3.2 ; pension, autorité parentale, droit de visite, droit aux relations personnelles etc) et il n’y a aucune relation juridique entre le parent biologique et l’enfant (par exemple aucun droit de l’enfant dans la succession de son parent biologique).

Ce n’est que par une action en désaveu (art. 256 CC), en recherche de paternité ou en contestation de paternité que le père peut être déclaré comme n’étant pas – juridiquement – le père de l’enfant.

Le père a un délai péremptoire d’une année pour déposer sa demande de désaveu (art. 256c al.1 CC) ; sauf à justifier le retard par de « justes motifs » (art 256c al. 3 CC). Le délai part du moment où le père pouvait légitimement se douter qu’il n’est pas le père biologique.

Si le délai n’est pas respecté et s’il n’y a pas de « justes motifs », le père reste le père juridique, même s’il n’est pas le père biologique.

Selon l’adage « nul n’est censé ignorer la loi », le fait de ne pas savoir qu’il y a un délai d’un an pour agir ne peut pas être un « juste motif » pour faire prolonger ce délai (5A_178/2022, Consid. 3.3.1) mais certaines circonstances particulières permettent de retenir des « justes motifs », en particulier lorsqu’il n’y a jamais eu de liens affectifs entre l’enfant et son père juridique (même arrêt Consid. 4.3.4).

Voir l’arrêt 5A_258/2023 pour une solution inverse : Le père avait entretenu des rapports réguliers et fréquents avec l’enfant. Suite à un test sérologique, il découvre qu’il ne pouvait très probablement pas être le père biologique mais il ne fait pas faire de tests ADN et attend plus d’une année pour intenter son action en désaveu. La Cour cantonale considère qu’il est déchu de son droit car il n’a pas agi dans le délai d’une année et aucun « juste motif » ne peut être retenu. Le Tribunal fédéral confirme. Il reste donc le père juridique et doit continuer à payer la pension de 250.- par moi pour l’enfant.


Représentation légale de l'enfant (le curateur / la curatrice)

La désignation d’un curateur permet de représenter l’enfant dans une procédure qui le concerne ou de surveiller les relations entre parents et enfants.

Le Tribunal peut spontanément nommer un représentant de l’enfant pour l’assister dans la procédure de divorce. C’est le principe des articles 308 al. 2, 314a bis CC et 299 CPC. Chaque parent, voire l’enfant lui-même (5A_619/2007), peut aussi faire la demande de nomination d’un curateur/curatrice. Ils peuvent aussi recourir contre le refus du Tribunal de nommer un curateur / une curatrice (5A_357/2011).

Ce représentant (curateur / curatrice) est en quelque sorte le porte-parole de l’enfant dans une procédure. Sa mission est de faire entendre le point de vue de l’enfant (des enfants), de tout faire pour qu’il(s) ne souffre(nt) pas (ou le moins possible) du conflit entre les parents et de défendre les intérêts propres de l’enfant.

Le Tribunal est toujours entièrement libre de suivre ou de ne pas suivre les arguments du curateur / de la curatrice (art. 296 al. 3 CPC). En principe, lorsqu’un curateur a été nommé, l’enfant capable de discernement (dès 10 – 12 ans) peut aussi nommer de son côté un avocat pour le représenter et l’assister car les missions du curateur et de l’avocat ne se recoupent pas entièrement. (5A_91/2023, Consid. 7,3).

Dans les cas de déplacement illicite de l’enfant et de demande de retour dans le pays d’origine, un curateur doit nécessairement être nommé pour représenter l’enfant (5A_91/2023, Consid. 7.3).

Dans sa décision, le Tribunal peut mettre à la charge de l’un et/ou de l’autre partie l’obligation de rembourser les frais de représentation de l’enfant, lesquels sont des frais judiciaires (art. 95 al.2 let.e CPC) et doivent donc être payés par la caisse du Tribunal (5A_407/2023, Consid. 8.3.2).


Les conditions de nomination d'un curateur

Un curateur est nommé si l’enfant n’a pas encore la capacité de discernement (trop jeune pour pouvoir se faire une opinion indépendante) ou si des circonstances particulières l’exige.

Un curateur/ une curatrice sera généralement nommé-e lorsque des parents ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’autorité parentale ou sur le droit de garde ou sur l’aménagement du droit de visite (art. 306 al. 2 et 314 a bis CC). Le curateur / la curatrice peut-être un-e avocat-e ou un travailleur social, un-e pédopsychiatre, voire un-e juriste.

Le Tribunal peut également nommer un curateur lorsqu’il doute que l’accord proposé par les parents soit bien dans l’intérêt supérieur de l’enfant, en particulier sur l’autorité parentale, la garde ou le droit de visite. L’enfant peut demander lui-même, s’il est capable de discernement, que le juge lui nomme un curateur pour le représenter dans la procédure de divorce (5A_619/2007).

Le curateur a les mêmes droits que les parents dans la procédure, il peut par exemple interjeter des recours contre des décisions relatives à l’attribution de l’autorité parentale et des décisions relatives à des questions essentielles concernant les relations personnelles de l’enfant avec ses parents (droit de garde et droit de visite).

Un curateur peut aussi être nommé, après jugement, si le bien de l’enfant l’exige car le conflit entre parent perdure et met en danger la santé ou le bien de l’enfant :

  • Tel n’est pas le cas de parents qui se chamaillent (difficulté d’obtenir des visas pour des enfants dans le cadre d’un droit de visite conflictuel) sans que la santé ou le bien des enfants ne soient concrètement mis en péril (5A_7/2016).
  • Ou de parents qui n’arrivent pas à communiquer entre eux (sans pour autant que cela entraîne un danger pour l’équilibre ou le bien-être de l’enfant 5A_819/2016).

Le Tribunal Fédéral a laissé ouverte la question de savoir si le droit fédéral règle la question de la rétribution financière du curateur. Il est plutôt d’avis que ce sont les dispositions cantonales qui doivent déterminer ce point (5C.226/2004). En tous les cas, la législation cantonale ne peut pas prévoir un plafond pour la rémunération d’un curateur (5C_2/2017).


La révocation / le changement de curateur

A certaines conditions, le curateur / la curatrice peut être changé-e / révoqué-e si de « justes motifs » sont retenus, en application de l’art. 323, al.1 ch.2 CC, en particulier lorsque le rapport de confiance avec l’enfant ou les parents n’est pas ou plus établi (5A_863/2022).

Article mis à jour le 14/01/2024