La liquidation du régime de la participation aux acquêts
On rappelle qu’il n’y a en principe pas de liquidation du régime lors d’une séparation MPUC mais seulement lors d’un divorce ou de la dissolution du partenariat.
Par ailleurs, le partage ou l’équilibrage des LPP ne concernent pas la liquidation du régime matrimonial et suivent des règles propres.
Les époux ont tout intérêt à trouver une solution amiable pour liquider le régime matrimonial, le cas échéant avec l’aide d’un médiateur, car les procédures « bagarre » sont longues (plusieurs années) et très coûteuses, impliquant souvent des frais d’expertise.
Sauf accord entre les époux, les biens ne sont pas divisés par nature. Il faut estimer leur valeur en argent et la liquidation se fait en valeur financière et non en nature.
Voir par exemple la valeur d’une société anonyme ATF 136 III 209, consid 6.2.
A quelle date se fait la liquidation ?
Les biens (actifs et passifs) à liquider sont ceux qui ont été accumulés depuis le jour du mariage jusqu’au jour du dépôt de la demande en divorce (art.204 al.2 CC ; 5A_629/2017).
Par conséquent, les économies ou les salaires accumulés après le jour du dépôt de la demande en divorce ne rentrent pas dans le calcul de la liquidation des biens. Idem pour les dettes contractées après le dépôt de la demande en divorce (5A_407/2011 ; ATF 123 III 289).
La liquidation du régime concerne aussi les biens ou les dettes à l’étranger qui doivent donc être prises en compte.
A quelle valeur se fait la liquidation ?
Selon l’article 211 CC, les biens sont estimés en principe à leur valeur vénale (soit à la valeur du marché ou la valeur à laquelle le bien peut être vendu), au jour de la liquidation, à l’amiable, ou en cas de conflit, au jour du jugement (art. 214 CC ; 5A_749/2023 consid. 5.1.1 ; ATF 136 III 2009). Comme il est pratiquement impossible de déterminer à l’avance une valeur « au jour du jugement », le Tribunal – s’il n’y a pas d’accord entre les parties – retiendra la valeur à une date aussi proche que possible de la date du jugement (5A_1048/2019 ; 5A_53/2022; ATF 121 III 152 consid. 3).
L’idée est que les époux continuent à participer aux fluctuations de valeur (à la hausse comme à la baisse) jusqu’au jour du jugement (art 214 CC ; ATF 136 III 209 consid 5.2).
Seule exception : C’est la valeur de rendement qui s’applique aux immeubles agricoles lorsque l’exploitation agricole est maintenue (art. 212 CC).
Si des acquêts ont été donnés par l’un des époux à des tiers sans juste contrepartie et sans le consentement de l’autre, la valeur de ces biens doit être rajoutée au total des acquêts au jour de la demande en divorce, à la valeur qu’ils avaient au jour où ils ont été donnés (article 208 CC).
Si les biens n’existent plus au jour du jugement, on retiendra leur valeur vénale au jour de la vente ou de la donation (art. 214 al.2 CC ; ATF 135 III 241, consid. 4.1).
Si les parties ne peuvent pas s’entendre sur la valeur de certains acquêts, la valeur sera souvent déterminée par un ou des experts.
A l’évidence, il est bien plus économique de s’arranger et de se mettre d’accord plutôt que de se lancer dans des procédures longues et coûteuses en frais d’avocat, frais de Tribunal et frais d’experts. De sorte que, dans l’essentiel des cas, vous trouverez un arrangement amiable entre vous et vous aurez liquidé votre régime matrimonial à l’amiable.
Plutôt que de s’adresser à un avocat, un notaire est souvent bien plus à même de répondre à vos questions ou à aider à trouver une solution amiable. Il en va de même d’un médiateur.
Si vous faites votre documentation par le site, il est nécessaire que vous vous arrangiez entre vous sur la liquidation du régime matrimonial de sorte que vous confirmez au Tribunal que ni l’un ni l’autre n’a plus de prétention envers l’autre au titre de la liquidation du régime matrimonial.
Le Tribunal ne vérifie pas le contenu de vos accords portant sur la liquidation du régime matrimonial et se contente en général de la déclaration faite conjointement, dans la convention, que le régime matrimonial est liquidé.
Le cas particulier de l’immeuble est traité séparément dans un sous-dossier spécifique.
Les méthodes d’évaluation
Il existe plusieurs méthodes d’évaluation, sans que l’une ou l’autre de ces méthodes ne puisse a priori être privilégiée (ATF 134 III 42 consid. 4) :
- La méthode statistique / de comparaison (surtout pour les objets ordinaires) ATF 115 Ib 408, ATF 114 Ib 286, ATF 122 I 168.
- Pour la valeur d’une entreprise ou d’un commerce, voir les diverses méthodes acceptables pour en déterminer la valeur dans 5A_361/2022.
- La méthode hédonique (surtout pour les immeubles) ATF 134 III 42.
- La méthode de la valeur réelle 5A_294/2008, 5A_591/2009.
- La méthode de la valeur des gains capitalisés (revenus d’un immeuble, entreprise) ATF 134 III 42, ATF 136 III 209.
- La méthode mixte. C’est la méthode la plus utilisée par le Tribunal fédéral, surtout pour déterminer la valeur d’un immeuble. La valeur de l’actif net et la valeur des bénéfices capitalisés sont pondérées différemment en fonction de leur importance pour le bien à évaluer ATF 134 III 42, 5A_591/2009.
Mauvaise foi / manipulation des bilans ou des comptes
Puisque les biens matrimoniaux à liquider sont ceux qui existent au jour du dépôt de la demande en divorce mais qu’ils sont évalués au jour du jugement, il est tentant de diminuer fictivement la valeur des biens en cours de procédure. Il s’agit là d’actions faites en mauvaise foi et ce type de manœuvres ne peut pas être accepté, de sorte que c’est bien la valeur vénale réelle qui sera retenue.
Exemples :
- Augmenter fictivement les dettes d’une entreprise ou d’une société (ATF 136 III 219 consid. 6.3.3).
- Retirer sans raison CHF 100’000.- de son compte bancaire (5A_397/2015).
- Vendre une chambre à coucher pour CHF 700.- alors qu’elle avait été achetée CHF 20’000.- une année auparavant. Valeur retenue par le Tribunal pour la chambre à coucher : CHF 10’000.- (décision du tribunal cantonal de Neuchâtel du 27 septembre 2010).
- En période de taux d’intérêts négatifs, une consommation d’actifs de 3% pour contribuer au maintien de la trésorerie parait irréaliste (5A_361/2022 Consid 2.4.2).
Pour les petites entreprises ou les petites sociétés anonymes, les manipulations comptables peuvent prendre diverses formes : Déprécier des actifs corporels ou des créances, en les sous-évaluant, créer des réserves injustifiées, enregistrer des dépenses professionnelles non justifiées, telles que l’utilisation d’une voiture privée à titre professionnel ou des voyages privés comptabilisés comme des voyages professionnels. Ou encore des dépenses extraordinaires peuvent être comptabilisées, ou des retenues sur salaires LPP peuvent soudainement être massivement augmentées etc.
C’est le rôle de l’expert de rétablir une comptabilité correct et donc une valeur correcte de l’entreprise.
Les règles légales sur la liquidation du régime matrimonial de la participation aux acquêts
- Premièrement, une liste de tous les biens (actifs) et de toutes les dettes (passifs) de chaque conjoint est dressée.
- Deuxièmement, il faut déterminer les créances entre époux. Les créances peuvent consister en créances ordinaires ou créances variables.
Les créances ordinaires découlent, par exemple, d’un prêt, d’un contrat de bail, d’un contrat de travail, ou de l’indemnité équitable de l’article 165 CC en faveur de l’époux qui a collaboré à la profession ou à l’entreprise de son conjoint. - Troisièmement, chaque époux reprend ses biens propres, soit ceux qu’il (elle) a apportés au mariage et ceux reçus à titre de succession (198 CC) et leur éventuelle plus-value ou moins-value.
- La quatrième étape consiste à faire la liste des acquêts « nets » de chacun des deux époux, soit ses acquêts moins les dettes qui concernent ses acquêts. Il faut aussi les évaluer.
- La cinquième étape consiste à répartir en deux le(s) bénéfice(s) ou le déficit.
Quelques aspects particuliers
- Les dettes fiscales doivent venir en déduction des acquêts de celui / celle qui les doit (5A_668/2014 et 5A_670/2014).
- Dans les procédures « bagarre », chacun doit indiquer au Tribunal quel montant il/elle réclame ; ce qui entraîne des droits de greffe souvent importants. Si on oublie de prendre des « conclusions chiffrées », le Tribunal ne tient pas compte des prétentions (5A_368/2018).
- Un parent ne peut pas invoquer la compensation des contributions d’entretien qu’il doit à son enfant avec les créances dont il dispose à l’encontre de l’autre parent au titre du la liquidation du régime matrimonial, même si les pensions alimentaires doivent être versées en mains de celui-ci, en tant que représentant légal de l’enfant (5A_445/2015).
- En principe, un époux ne peut pas compenser ce qu’il doit au titre de liquidation du régime avec le partage du 2ème pilier qu’il doit à l’autre (5A_34/2013).
- En principe, les dettes entre époux ne portent pas intérêts (ATF 141 III 49).
- Dans les divorces « bagarre », on peut renvoyer à plus tard, et à une autre procédure à venir, la question de la liquidation du régime matrimonial (283 CPC et 5A_638/2016).
- Un animal domestique (chat, chien, etc.) est soit un bien propre, soit un acquêt (641 al.2 CC). Si les époux ne peuvent pas s’entendre, le Tribunal attribuera l’animal à l’époux qui représente la meilleure solution pour l’animal, selon les critères appliqués en matière de protection des animaux (art. 651 a CC). Pour un cas d’école concret d’une demande urgente – en mesures provisionnelles – de la garde d’un chien, voir l’arrêt rendu par la Cour de Justice de Genève le 17 novembre 2021 : ACJC/1514/2021.
- « Lorsqu’un époux a contribué sans contrepartie correspondante à l’acquisition, à l’amélioration ou à la conservation de biens de son conjoint qui se retrouvent à la liquidation avec une plus-value, sa créance est proportionnelle à sa contribution et elle se calcule sur la valeur actuelle des biens ; en cas de moins-value, il peut en tout cas réclamer le montants de ses investissements. » (206 CC).
- Les bénéfices reportés d’une société anonyme doivent être considérés comme des acquêts dans la mesure où ils représentent un bénéfice distribuable retenu et thésaurisé, soit des actifs non nécessaires à l’exploitation de la société (5A_91/2021).
- La valeur d’actions cotées en bourse n’est pas un fait notoire. Par conséquent, en cas de litige judiciaire, la valeur doit être démontrée (5A_1048/2019).
- Pour les petites entreprises entièrement ou très largement dominées par un seul associé / actionnaire (et qui dépendent donc essentiellement des compétences et qualité professionnelles de l’associé/actionnaire, la valeur de l’entreprise est avant tout le capital de l’entreprise ou le rendement du capital, plus son goodwill (et non pas la capacité de gain que l’entreprise apporte à son associé ou actionnaire car cette capacité est difficilement transférable à un tiers et n’a donc pas de valeur de marché) 5A_361/2022.
- Pour la valeur de droits d’option dans une liquidation du régime – dont certains avaient été exercés en cours de procédure de divorce – voir 5A_667/2020, Consid.3.1.