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International

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Quel est le tribunal compétent ?

La nationalité de l’un ou de l’autre n’a en principe aucune importance car c’est le domicile (« la résidence habituelle ») qui importe et non la nationalité.

Certains Etats, par exemple la France, donnent à leurs citoyens la possibilité de divorcer dans l’Etat dont ils sont citoyens, même s’ils n’y sont pas domiciliés.

Ce genre de règle nationale permet de contourner les règles suisses qui imposent un délai de séparation physique de deux ans pour divorcer sans accord mutuel (s’il y a accord mutuel, on peut divorcer en Suisse sans respecter de délai).

Il reste que, même dans ces cas de figure, le Tribunal étranger ne pourra rien dire sur la liquidation / le partage des avoirs de prévoyance professionnelle suisse (seul un tribunal suisse est compétent à ce sujet), ni sur tout ce qui concerne les enfants communs (autorité parentale, garde, droit de visite, contributions) car seul le tribunal de la résidence habituelle de l’enfant (des enfants) est compétent pour en décider.

Le tribunal étranger se limitera donc au prononcé du divorce, à la liquidation du régime matrimonial et à l’éventuelle pension entre ex-époux.
Pour plus de détails, voir ici.

Peu importe aussi le lieu de la célébration du mariage.

Si l’un ou l’autre est domicilié en Suisse, le Tribunal suisse sera en principe compétent pour décider d’un divorce, d’une séparation, de la dissolution du partenariat, de la modification du jugement (suisse ou étranger), ou de ratifier (accepter) une convention relative aux enfants de parents non mariés.

Par conséquent, si l’un et/ou l’autre est de nationalité suisse mais qu’aucun des deux n’est domicilié en Suisse, le Tribunal suisse est en principe incompétent pour décider d’un divorce, d’une séparation ou de la liquidation du partenariat (sauf si le partenariat a été conclu en Suisse).

Si l’un ou l’autre déménage à l’étranger alors qu’une procédure suisse est en cours en Suisse, le Tribunal suisse reste compétent pour décider de manière définitive sur le divorce, la séparation (MPUC), la dissolution du partenariat, la modification du jugement ou la ratification d’une convention relative à l’enfant de parents non mariés.

Le déménagement en cours de procédure n’a pas d’incidence sur la compétence du Tribunal saisi (sauf pour ce qui concerne les enfants, voir plus bas).

Le cas échéant, la procédure suisse continuera sans l’époux qui a décidé de quitter la Suisse et de ne pas être représenté par un avocat dans la procédure en cours.


Quelles lois sont applicables ?

La Suisse a conclu de très nombreuses conventions internationales qui permettent de faire exécuter le jugement suisse dans de très nombreux pays étrangers.

Ces règles sont en général les mêmes dans tous les pays mais il existe de fréquentes exceptions selon la législation nationale.

Par exemple, un(e) Français(e) peut toujours demander son divorce devant un Tribunal français, même si il / elle n’est pas domicilié(e) en France (art. 14 du Code civil français).

D’autre part, chaque pays a ses propres règles et sa propre procédure.

Par exemple, la plupart des autres pays, contrairement à la Suisse, n’imposent pas un délai de deux ans de séparation physique avant de pouvoir demander le divorce / la dissolution du partenariat unilatéralement (sans l’accord de l’autre).

Il y a donc là un certain intérêt pour celui / celle qui ne veut pas attendre deux ans de séparation, de demander immédiatement et unilatéralement (sans l’accord de l’autre) le divorce / la dissolution du partenariat dans le pays étranger de domicile, voire dans son pays d’origine si sa législation nationale le lui permet.

Voir à titre d’exemple 5A_223/2016 :

Epoux suisses domiciliés en France dans leur maison dont ils sont propriétaires.
Madame quitte le domicile conjugal pour s’installer en Suisse avec ses enfants.
En mai 2012, Monsieur dépose une demande de mesures provisoires, en vue d’un divorce, pour fixer rapidement le droit à la jouissance du domicile conjugal en France, l’éventuel droit d’entretien de l’épouse et les droits parentaux sur les enfants (qui sont en Suisse avec la mère).
Le Tribunal français reconnait sa compétence pour décider du divorce. Sur mesures provisionnelles, il accorde la jouissance de la maison en France à Monsieur, le condamne à une pension pour Madame et se déclare incompétent pour tout ce qui concerne les enfants.
Enfin, conformément au droit français, Monsieur dispose d’un délai de 3 mois pour déposer une action en divorce en France, faute de quoi, les mesures provisionnelles deviennent caduques. Il dépose sa demande formelle en divorce dans le délai.
Madame dépose une demande en divorce en Suisse (elle y est domiciliée avec les enfants) en mars 2014. Elle demande la garde des enfants, un droit de visite au père, la liquidation du régime, une pension pour elle et pour les enfants ainsi que le partage LPP et une provisio ad litem.
Résultat : la procédure suisse est suspendue pour tout ce qui concerne la question du divorce, la liquidation du régime et la pension pour Madame, dans l’attente de la décision finale en France sur ces questions.

Enfin, certaines législations étrangères prennent en compte la faute (qui est responsable de la désunion) pour décider du montant des pensions, alors que la faute en droit suisse n’a aucune importance.


Quelle est l'autorité compétente relative aux enfants ?

Pour les enfants, seul le Tribunal du domicile (« la résidence habituelle ») des enfants est compétent pour décider de manière définitive sur l’autorité parentale, la garde, le droit de visite ou les pensions.

Le principe est tiré de l’art. 5 de la Convention de La Haye sur la protection des enfants de 1996 (CLaH 96) signée par 51 Etats. La Suisse applique ce principe même dans les cas où l’autre pays n’a pas signé la CLaH 96 (art 85 LDIP ; 5A_809/2012, Consid 2.3.2)

A titre d’exemple, voir (5A_801/2017, Consid. 3.3.2 et 3.3.3 ; un couple français résidant en Suisse avec les enfants fait une procédure de divorce en Suisse, seul le tribunal suisse de la résidence habituelle de l’enfant est compétent pour décider de tout ce qui concerne l’enfant). Si le transfert de domicile de l’enfant a été fait de manière licite, le Tribunal du nouveau domicile devient automatiquement le seul compétent pour décider de toute question relative à l’enfant (autorité parentale, garde, droit de visite, pension, relations personnelles, etc).

Des exceptions au principe peuvent être retenues dans l’intérêt supérieur de l’enfant mais elles doivent rester exceptionnelles (5A_679/2022, Consid 5.2.1).

Le cas échéant, le Tribunal du lieu où séjourne temporairement l’enfant peut être compétent pour prendre des mesures urgentes (« mesures provisionnelles » ou « mesures provisoires »), dans l’attente que le Tribunal de la résidence habituelle de l’enfant se prononce (art. 85 al. 3 LDIP).

En cas de déménagement illicite (non autorisé) à l’étranger avec l’enfant, le Tribunal suisse reste en général compétent (ATF 149 III 81), notamment pour prendre toute mesure urgente concernant l’enfant (mesures provisionnelles).

Si aucune demande de retour de l’enfant est faite et que l’enfant séjourne à l’étranger depuis une année, seuls les tribunaux de la résidence habituelle de l’enfant à l’étranger sont compétents pour décider de tout ce qui concerne l’enfant, à l’exclusion des tribunaux suisses (5A_591/2021) qui compare la situation et les compétences selon que le changement de domicile a été fait de manière licite ou non.

 


Régimes matrimoniaux

Comme la plupart des autres pays, le droit suisse laisse la possibilité aux époux de déterminer la loi applicable à leur régime matrimonial et sa liquidation, dans un contexte international. C’est le principe de l’article 52 de la Loi sur le Droit International Privé (LDIP).

Les époux peuvent choisir soit le droit du pays où ils sont – ou seront – tous deux domiciliés ou le droit de l’Etat dont l’un ou l’autre est ressortissant (art 52 al.2 LDIP).

Ils peuvent faire ce choix avant ou pendant le mariage, y compris en cours de procédure de divorce. Il suffit que l’accord sur le droit applicable choisi soit fait par écrit, par exemple, mais pas nécessairement, dans un contrat de mariage ou une convention prénuptiale (art.53 LDIP). Sauf si l’accord  sur le choix de la loi applicable spécifie le contraire, le choix du droit applicable rétroagit au jour du mariage s’il est fait après le mariage et les parties peuvent modifier leur choix en tout temps, par un document écrit signé des deux parties.

Le cas échéant, les parties peuvent aussi prévoir qu’un arbitre (et non un juge national) décide de manière définitive sur tout litige concernant la liquidation du régime et/ou le droit applicable (5A_907/2019).

Si les parties ne choisissent pas le droit applicable pour leur régime matrimonial et sa liquidation, c’est la loi du dernier domicile commun qui s’applique (art 54 LDIP). Par exemple, pour un couple italo français, tous deux domiciliés en Suisse, ne choisit pas le droit applicable à leur régime matrimonial, c’est le droit suisse qui s’appliquera (car ils sont tous deux domiciliés en Suisse). Si, au moment de la demande en divorce, leur dernier domicile commun était en Russie et que seul l’un des deux est domicilié en Suisse, ce sera le droit russe qui s’appliquera pour tout ce qui concerne le régime matrimonial et sa liquidation.

Ces principes sont généralement les principes applicables et appliqués dans les autres pays, en particulier dans l’Union Européenne ou pour les pays qui ont adhéré à Convention de La Haye sur le choix du droit applicable en matière de régimes matrimoniaux.

Pour les différences entre le Règlement Européen et le Droit International Privé Suisse, voir l’article de Gian Paolo Romano.

On rappelle que le juge du divorce peut se prononcer sur la liquidation d’avoirs à l’étranger (par exemple un immeuble) et ce type de problématique entraine des frais très importants et une très longue procédure qui peut durer plusieurs années et, parfois même, devenir insoluble. Voir l’article d’Anne Reiser, s’agissant d’un divorce en Suisse et d’un immeuble en France.

Pour tout ce qui concerne les avoirs de prévoyance accumulés en Suisse, seul le Tribunal suisse est compétent pour décider d’un éventuel partage et le Tribunal étranger n’a aucune compétence pour décider de quoi que ce soit à ce sujet. Si le Tribunal étranger en tient néanmoins compte ou décide d’une répartition, le jugement étranger ne sera pas reconnu en Suisse. Voir ici.


Reconnaissance d’un jugement étranger

Reconnaissance d'une convention sur les pensions (sans jugement)

Une simple convention sur les pensions, faite à l’étranger, peut-elle être reconnue en Suisse ? La question se pose de plus en plus avec la tendance de permettre une désunion sans passer par un Tribunal et de convenir des conséquences financières. Tel est le cas en France, en Espagne ou au Portugal par exemple.

Au niveau international, la Conférence de La Haye projette une nouvelle Convention Internationale visant à permettre la reconnaissance et l’exécution d’accords privés en matière familiale et impliquant des enfants. En 2019, les Nations Unies ont adopté une Convention sur les accords de règlement internationaux faits par une médiation (Convention de Singapour sur la Médiation).

Le Règlement européen N° 4/2019 (non applicable à la Suisse) est en vigueur depuis juin 2021. Il va dans le même sens. Il en va de même de la Convention de La Haye du 23 novembre 2007 sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille (la Suisse ne l’a pas encore ratifiée).

Bref, la tendance est marquée : les simples conventions privées sur des pensions alimentaires sont de plus en plus assimilées à des jugements qui peuvent donc être reconnues et exécutées à l’étranger. Tant que la Suisse n’a pas ratifié la Convention de La Haye 2007 et/ou repris le Règlement CE 4/2009, il est douteux qu’une simple convention privée sur les pensions alimentaires puisse être reconnue en Suisse comme équivalentes à un jugement. Il reste que ce type d’accord permet d’obtenir la mainlevée provisoire d’une opposition à un commandement de payer dans une poursuite
Pour approfondir le sujet, voir l’article (payant) de Lorène Anthonioz « La reconnaissance et l’exequatur des titres d’entretien extrajudiciaires » (FAMPRA 2/2023).


Complément d’un jugement étranger

Il peut arriver qu’un jugement étranger soit lacunaire sur un point important de sorte que le juge suisse doive le compléter (art. 64 LDIP) pour permettre son exécution en Suisse. La lacune ne doit pas résulter d’une négligence ou d’une faute d’une partie dans la procédure étrangère (ATF 108 II 381).

Quelques exemples :

  • Demande de divorce d’un couple italien domicilié en Valais. Le divorce a précédemment été prononcé en Italie de sorte que le juge suisse n’est plus compétent pour le divorce. Le jugement italien est cependant muet sur les conséquences du divorce (pension notamment) de sorte qu’il a été complété par le juge suisse (ATF 108 II 381).
  • Un divorce prononcé par un tribunal islamique de Malaisie en application de la charia a été reconnu par la Cour d’appel de Zurich. Mais comme le jugement étranger ne disait rien sur les contributions (pensions) en faveur de l’épouse ou des deux enfants en bas âge, le Tribunal suisse s’est déclaré compétent pour compléter le jugement étranger et condamner le mari/père à CHF 4’000.- mensuels à titre de pensions pour l’ex-épouse et les enfants (voir ici).
  • Jugement portugais incomplet, car ne prévoyant aucune pension pour l’épouse (5A_874/2012).
  • Complément d’un jugement de divorce bosniaque qui ne dit rien sur la pension post divorce alors que le droit bosniaque prévoit la possibilité de demander une pension dans l’année après que le jugement a été rendu (5A_549/2022).
  • Droit applicable au complément de jugement étranger et prescription. Jugement croate complété en Suisse par une contribution pour l’épouse, sujet qui n’avait pas été abordé dans la procédure croate (5A_768/2021).

Jugement étranger modifiant un jugement suisse / Jugement suisse modifiant un jugement étranger

En principe, un Tribunal suisse peut modifier un jugement étranger et un Tribunal étranger peut modifier un jugement suisse (5A_70/2021).

Dans la mesure bien sûr où le Tribunal est compétent, ce qui implique que le Tribunal qui modifie un précédent jugement est le Tribunal du domicile de l’un ou de l’autre et, s’il s’agit de modifier un jugement concernant des enfants, le Tribunal de résidence habituelle des enfants.


Procédures « bagarres » internationales

Pour les divorces / dissolution de partenariat « bagarre », c’est donc la course à celui qui va commencer sa procédure avant l’autre, soit dans le pays de domicile, soit dans son pays national si sa loi nationale le lui permet.

Car le premier Tribunal saisi rend l’autre incompétent.

Ainsi, un citoyen français domicilié en Suisse, avec son épouse portugaise et ses enfants, peut faire son divorce en France devant le tribunal français (qui appliquera le droit français, notamment pour contourner la notion de faute inexistante en droit suisse) et le Tribunal suisse ne sera plus compétent pour décider du divorce, de la liquidation du régime matrimonial, de la pension pour l’autre et pour ce qui concerne les enfants (si la résidence habituelle des enfants est en France).

Le Tribunal suisse restera néanmoins compétent pour décider, au moins provisoirement (mesures provisionnelles ou provisoires) des mesures urgentes à prendre, par exemple :

  • Si les enfants ont leur domicile / résidence habituelle en Suisse : décider provisoirement sur l’autorité parentale, le droit de garde, le droit de visite, l’attribution du domicile conjugal, les pensions provisoires (pour les enfants et/ou pour l’autre époux).
  • Blocage / séquestre de comptes bancaires, saisie urgente du salaire suisse, sûretés (garanties financières), etc.

Le Tribunal suisse restera compétent pour décider définitivement de tout ce qui concerne les enfants tant et aussi longtemps que la résidence habituelle (le domicile) des enfants reste en Suisse.

A partir de janvier 2025, les moyens électroniques (vidéoconférence par exemple) pourront être utilisés pour l’audition d’une partie, de témoins ou d’experts, voire déposer des pièces. Voir le Message, le Projet de loi et les résultats de la procédure de consultation ici.


Déplacement de l'enfant à l'étranger dans les procédures « bagarres »

Cependant, dès que les enfants n’ont plus leur résidence habituelle (leur domicile) dans la juridiction du Tribunal saisi, le Tribunal ne peut en principe plus décider définitivement de quoi que ce soit pour tout ce qui concerne les enfants (ATF 143 III 193).

D’où le risque évident que les enfants soient déplacés à l’étranger, à l’occasion de l’exercice d’un droit de visite.

C’est même un « grand classique » des divorces / séparations « bagarre » internationaux.

Les Tribunaux allemands, par exemple, sont particulièrement « compréhensifs ». Ils refusent trop souvent de renvoyer l’enfant à l’autre parent conformément aux conventions internationales et prennent des décisions urgentes (puis définitives) permettant de laisser l’enfant au parent domicilié en Allemagne, malgré les textes des conventions internationales.

Que dire alors du déplacement de l’enfant dans un pays qui n’est pas signataire de ce genre de conventions internationales (la plupart des pays arabes par exemple) si ce n’est que l’autre parent ne reverra jamais son enfant ou seulement à des conditions très strictes (visite de l’enfant autorisée que parcimonieusement, après de très longs pourparlers, et seulement dans le pays étranger).

Dans ce genre de « bagarre » (qui peut durer des années !), l’émotion, le désir de « vengeance » ou la volonté de causer un tort monumental dominent et « justifient » les actions prises, sans se rendre compte que ce n’est certainement pas dans l’intérêt de l’enfant mais qu’il s’agit de l’exercice d’un pur rapport de force – imposé – qui ne peut qu’être préjudiciable à l’enfant.

La plupart des enfants sont ainsi traumatisés (parfois à vie !) par le comportement insensé d’un de ses parents.

Si vous aimez vos enfants, il faut absolument l’éviter.

Article mis à jour le 25/03/2024