Le principe légal du partage
Aux termes de l’art. 122 du Code Civil, les époux doivent en principe partager par moitié les montants de prévoyance professionnelle (2e pilier uniquement) qu’ils ont accumulés durant la période du mariage. Il s’agit là de règles particulières qui s’appliquent quel que soit le régime matrimonial (donc y compris en cas de séparation de biens). Par contre, le troisième pilier se liquide selon les règles du régime matrimonial (ATF 137 III 337 consid 2.1.1, ATF 129 III 257).
Le partage se fait sur la base d’attestations spécifiques qui doivent être produites avec le dossier à envoyer au Tribunal.
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Le but du principe légal
L’idée de base est double : D’une part, il s’agit d’éviter qu’un des époux tombe à la charge de l’aide sociale à sa retraite et, d’autre part, il est juste et équitable que les avoirs accumulés par l’un et par l’autre, pendant le mariage, pour sa retraite, soient équivalents de manière à ce que l’un-e ne soit pas défavorisé-e par rapport à l’autre, pour ce qui concerne sa prévoyance professionnelle (retraite).
Non seulement car l’un-e gagne souvent plus que l’autre (et accumule donc plus pendant le mariage), mais aussi, surtout pour compenser le manque d’avoirs de prévoyance parce que l’un-e a réduit son taux de travail ou a cessé de travailler pendant le mariage.
Le cas classique est celui de l’épouse qui réduit son temps de travail ou cesse de travailler pour s’occuper de la famille. Il n’est pas juste qu’elle soit ainsi défavorisée à sa retraite alors que l’autre a continué à accumuler des avoirs pour sa retraite.
A certaines conditions, on peut renoncer au partage de LPP.
Le partage se fait en principe à parts égales, même si l’âge de la retraite n’est pas encore atteint et qu’une prestation d’invalidité est versée par la caisse de prévoyance (art. 124 CC).
Le principe légal du partage par moitié à 50/50 se fait aussi si les deux époux perçoivent déjà une rente de retraite ou une rente invalidité (art. 124 a CC).
Exemple de partage du 2ème pilier à 50/50 :
Epouse | Mari | ||
Prévoyance avant le mariage | Equivaut au montant que chaque époux avait accumulé avant le mariage | 10’000.- | 80’000.- |
Prévoyance au jour de l’introduction de la procédure de divorce | Montants accumulés jusqu’à ce jour | 70’000.- | 150’000.- |
Avoirs accumulés durant le mariage | L’attestation de votre caisse de pension vous fournit ce chiffre. | 70’000.- -10’000.- 60’000.- | 150’000.- -80’000.- 70’000.- |
Différentiel des avoirs LPP | 70’000 – 60’000 = 10’000.- | ||
Equilibrage | Moitié du différentiel, soit 10’000 : 2 = 5’000.- | 5’000 doivent passer des avoirs de Monsieur aux avoirs de Madame | |
Prévoyance équilibrée des avoirs accumulés pendant le mariage | 60’000.- + 5’000.- 65’000.- | 70’00.- – 5’000.- 65’000.- |
Au total, en ajoutant les avoirs accumulés AVANT mariage :
- les avoirs LPP de Monsieur seront de 65’000 + 80’000 = CHF 145’000
- les avoirs LPP de Madame seront de 65’000 + 10’000 = CHF 75’000
Le rachat d’années de prévoyance, fait pendant le mariage, doit aussi être partagé sauf s’il a été effectué en utilisant des fonds propres (soit en utilisant des fonds existants avant le mariage ou reçus par héritage ou par donation (5A_358/2007 et 5A_865/2015)).
Les réserves de cotisations de l’employeur ne sont pas prises en compte dans le calcul de la prestation de sortie à partager (5A_130/2019).
A noter que, pour éviter des solutions inéquitables, les époux peuvent convenir d’une autre répartition que 50/50, notamment pour les raisons suivantes :
- Lorsque les conditions pour renoncer au partage sont remplies, vous pouvez néanmoins convenir de partager mais à un taux différent de 50/50
- Lorsqu’il y a une grande différence d’âge et que le (la) plus jeune a encore de nombreuses années professionnelles devant lui, respectivement devant elle, pour se « constituer une prévoyance professionnelle adéquate » (art. 124b al. 2 ch. 2 CC, ATF 145 III 56, consid. 5.2)
- Lorsque le/la bénéficiaire du partage prend en charge des enfants communs après divorce et que l’autre peut continuer à pouvoir bénéficier, à l’âge de la retraite, d’une prévoyance adéquate, même en remettant plus de la moitié du différentiel des avoirs accumulés (art. 124b al. 3 CC). Il s’agit de compenser la perte future de prévoyance de l’époux/se qui ne travaille pas à 100% (et donc qui n’accumule pas autant d’avoirs LPP que possible) car la garde d’un ou d’enfant(s) commun(s) lui est attribuée (5A_830/2018). L‘autre époux/se recevra dans ces conditions plus que le 50% du différentiel des avoirs accumulés. Cette disposition n’est en principe pas applicable en cas de garde alternée.
Une simple différence ou inégalité de situation économique ou de capacité de gain ne suffit pas pour modifier le principe du partage par moitié, mais il faut éviter que le partage produise une situation d’iniquité (5A_455/2019).
Les époux ne peuvent pas décider que le partage se ferait à une date antérieure ou postérieure à celle du dépôt de la demande en divorce (par exemple à la date de la séparation physique des époux), car la loi dit clairement (art. 122 CC) que le partage concerne les avoirs accumulés pendant le mariage (donc y compris pendant la séparation) et jusqu’au jour du dépôt de la demande en divorce (5A_153/2019).
Le projet de loi prévoyait de laisser au Tribunal ou aux parties la faculté de déterminer la date de référence, à choisir cependant dans les 6 mois précédent le jugement définitif de divorce. Mais cette proposition n’a pas été retenue dans le texte final.
Le Tribunal reste toujours libre de décider d’appliquer le principe légal du partage à 50/50 au jour du dépôt de la demande, même si les parties décident différemment.
Mais il acceptera vraisemblablement votre décision de partager dans une autre proportion que 50/50, tant que chacun des époux conserve dans tous les cas une prévoyance adéquate (au moins potentiellement).
Les espérances successorales ne justifient pas une répartition différente que celle du principe 50/50, ni pour refuser le partage (arrêt zurichois du 23. Juin 2017 ; LC160041).
Un long concubinage précédent la mariage ne justifie pas de s’écarter du principe légal du partage à 50/50 (5A_945/2016).
La façon de vivre (frugale par exemple) ou le lieu de résidence du/de la bénéficiaire (dans un pays au coût de la vie beaucoup plus bas qu’en Suisse par exemple) n’ont pas à être pris en compte. Le principe reste que le différentiel des avoirs accumulés par l’un et ‘autre pendant le mariage est à partager 50/50 . Chaque conjoint est libre de décider de son lieu de résidence, de décider quoi faire de sa pension et comment façonner sa vie (5A_211/2020).