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Renonciation au partage

Procédures concernées
Divorce
Séparation
Dissolution de partenariat
Modification de jugement
Convention de parents non-mariés

On rappelle que le principe légal est que les avoirs LPP accumulés par chacun des époux pendant le mariage doivent être partagés au jour du dépôt de la demande en divorce, quel que soit le régime matrimonial (voir ici).

Les époux peuvent cependant renoncer au partage si chacun bénéficie d’une prévoyance vieillesse ou d’une couverture invalidité « adéquate », selon les termes de l’art. 124b CC.

Il y a là une certaine marge de manœuvre des époux, mais il faut se souvenir que le Tribunal reste toujours libre de décider (art. 280 al. 3 CPC) d’appliquer le principe légal de l’équilibrage s’il considère que les conditions de la renonciation au partage ne sont pas remplies.

La prévoyance est « adéquate » si la personne qui aurait pu bénéficier de l’équilibrage bénéficie d’autres avantages qui peuvent lui assurer une bonne retraite (une fortune substantielle, par exemple) ou une couverture suffisante au cas où elle devient invalide, ou si elle a encore de nombreuses années professionnelles devant elle pour se constituer une prévoyance professionnelle adéquate (5A_422/2015).

Le but du partage est que chacune personne puisse bénéficier à sa retraite de revenus semblables (5A_443/2018 consid. 5.3.2).

Pour la notion de prévoyance professionnelle adéquate, voir aussi 5D_148/2017.

Quelques pistes :

  • Plus le mariage aura été long, plus un partage équilibré s’impose.
  • Inversement, si le mariage n’aura été que de courte durée (moins de 7 ans), on considérera sans doute que chacune personne bénéficie (ou pourra bénéficier à l’avenir) d’une prévoyance adéquate.
    D’autant plus s’il n’y a pas eu d’enfant et que les deux personnes ont travaillé pendant le mariage à 100 % et que les deux sont encore jeunes (début de la quarantaine), de sorte que les deux ont encore de nombreuses années professionnelles devant eux pour se constituer une « prévoyance professionnelle adéquate » (5A_443/2018). Autre cas : un mariage de 4 ans, pas d’enfant, Monsieur de 41 ans a accumulé 1’717,15.- et Madame a accumulé plus de 60’000.- : il n’y a pas de partage (5D_148/2017).
  • Plus l’âge de la retraite a été atteint récemment (le versement de la rente n’a débuté que depuis quelques mois, voire un ou deux ans), plus on se référera au principe de l’équilibrage nécessaire, par moitié, sauf si l’un et l’autre bénéficient d’une prévoyance professionnelle adéquate.
  • En cas de grande différence d’âge (l’un reçoit une rente vieillesse et l’autre est beaucoup plus jeune et peut travailler et se constituer des avoirs de prévoyance jusqu’à l’âge de la retraite), on s’abstiendra en principe de toucher à la rente, et on considérera qu’aucun équilibrage / partage LPP ne doit être fait, car chacun bénéficie (ou pourra bénéficier à l’avenir) d’une prévoyance professionnelle adéquate (art. 124b al. 2 CC ; 5A_153/2019).
  • Si la personne bénéficiaire de l’équilibrage dispose de revenus conséquents ou d’une fortune substantielle, on considérera qu’elle dispose d’une prévoyance adéquate et on ne fera pas d’équilibrage / partage des avoirs LPP (5A_443/2018 ; 5A_25/2008 ; 5A_34/2008).
  • Ou encore si la personne bénéficie d’une assurance-vie à capital garanti.
  • On peut aussi considérer qu’il y a « prévoyance professionnelle adéquate » lorsque la personne qui aurait bénéficié de l’équilibrage dispose d’un 3e pilier non partagé dans la liquidation du régime matrimonial, ou est au bénéfice d’un droit d’usufruit immobilier, ou d’un droit d’habitation.
  • Si une personne est indépendante et l’autre salariée, la valeur du business de l’indépendante doit être prise en compte, car elle équivaut à des avoirs de prévoyance (le cabinet d’un médecin peut être remis à sa retraite, avec sa clientèle, ce qui a une valeur certaine et il ne serait pas juste qu’il puisse en plus bénéficier de la moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par l’autre, par exemple).
  • La personne bénéficiaire du partage a commis un acte criminel grave (pas de partage prononcé : 5A_648/2009).

Enfin, on peut renoncer à l’équilibrage des avoirs de prévoyance si le partage apparaît inéquitable au vu de la situation économique des époux après divorce.

Quelques exemples :

  • Chacune personne bénéficie de revenus ou d’une fortune confortables, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de prévoir, en plus, des avoirs de prévoyance à équilibrer (art. 124b CC).
  • On peut aussi mentionner le cas du conjoint qui, exerçant une activité lucrative, a financé les études de l’autre conjoint, lui donnant ainsi la possibilité de se constituer à l’avenir une meilleure prévoyance que la sienne (5A_945/2016).
  • Selon l’art. 124b ch. 1 CC, lorsque, dans la liquidation du régime matrimonial, la personne qui aurait pu bénéficier de l’équilibrage a été particulièrement avantagée (la maison en copropriété lui est attribuée en pleine propriété et en contrepartie elle renonce à l’équilibrage LPP, par exemple), voir : 5A_443/2018.
  • La personne qui renonce à l’équilibrage reçoit une contribution financière (pension) de son ex-partenaire, beaucoup plus avantageuse que ce à quoi elle aurait eu droit.
  • La faute n’a en principe aucune importance, sauf si le partage des avoirs apparaît dans certaines circonstances particulièrement inéquitables. (5A_694/2018 ; ATF 145 III 56 : qui refuse le partage à un époux qui n’a jamais travaillé pendant le (long) mariage et a gravement violé son obligation de contribuer à l’entretien de la famille, qui n’a pas contribué à l’éducation et à la prise en charge des enfants ni aux tâches du ménage, qui a disposé seul d’un crédit de 90’864.- dont son épouse a dû assumer seule le remboursement, qui a exercé tout au long du mariage une surveillance étroite sur celle-ci au point de la priver d’autonomie, la maltraitant ainsi que leurs enfants, tant physiquement que psychologiquement, et privant parfois la famille de l’argent nécessaire à ses besoins de base car il jouait une partie du salaire de son épouse aux jeux de hasard).

Dans le même sens, voir 5A_469/2023 (violences, absence d’entretien suffisant de la famille).

On renoncera aussi au partage :

  • En cas d’abus de droit, par exemple un mariage « de complaisance » juste pour avoir un permis B ou C (5A_443/2018).
  • Pour de « justes motifs » (art. 124b al. 2 CC), soit dans les cas où un partage à 50/50 serait particulièrement inéquitable et choquant.
    Une simple différence ou inégalité de situation économique ou de capacité de gain ne suffit pas pour modifier le principe du partage par moitié, mais il faut éviter que le partage produise une situation d’iniquité (5A_445/2019).
    Il faut donc que le partage à 50/50 apparaisse d’emblée comme inéquitable et choquant, entraînant des désavantages flagrants par rapport à la situation de l’autre conjoint (5A_194/2020).
    On appréciera donc, en fonction de la situation globale de chacun des époux, si le partage doit être exclu ou effectué dans une proportion autre que 50/50 (5A_211/2020 ; 5A_819/2019).

Les espérances successorales ne justifient pas de ne pas appliquer le principe du partage à 50/50 (arrêt zurichois du 23 juin 2017, LC160041).

On ne peut pas renoncer au partage par la raison que l’époux-se n’aurait exercé une activité lucrative qu’à temps partiel pendant le mariage, puisque le partage par moitié des prestations de sortie a précisément pour but de rétablir l’égalité entre les conjoints (ATF 129 III 577).

De manière générale, le Tribunal fédéral insiste sur le fait que le principe est celui du partage et que le non-partage doit rester exceptionnel.

L’article 124b CC est en vigueur depuis le 1er janvier 2017. Auparavant, les conditions pour renoncer au partage étaient beaucoup plus strictes et ne pouvaient être retenues que si le partage était « manifestement inéquitable » pour des motifs tenant à la liquidation du régime matrimonial ou à la situation économique des époux (ancien art. 123 al. 2 CC) Voir par exemple ATF 133 III 497.

L’article 124b CC donne donc une plus grande latitude aux parties (et au Tribunal) pour renoncer au partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant le mariage, dans des situations particulièrement choquantes (ATF 145 III 56).

Article mis à jour le 05/12/2024