Séparation en Suisse - (Mesures Protectrices de l’Union Conjugale / MPUC)
Un peu de vocabulaire pour commencer.
Lorsqu’un couple décide de ne plus vivre ensemble, (ou lorsqu’une décision judiciaire l’ordonne), on parle volontiers de « séparation ».
Le vocabulaire juridique est différent. On parle alors de Mesures Protectrices de l’Union Conjugale / MPUC (art. 171 ss CC).
Et donc d’une « procédure de protection de l’union conjugale » /MPUC (art.298 CC ; 5A_901/2020) et non d’une procédure en séparation.
La procédure est faite par consentement mutuel (avec le site par exemple) ou sans consentement mutuel (prendre un avocat / demander l’assistance judiciaire).
Les procédures sans consentement mutuel commencent souvent par une demande de mesures provisoires/provisionnelles, soit des décisions urgentes qui s’appliqueront jusqu’à la fin de la procédure ou jusqu’à ce qu’elles soient modifiées par une autre décision.
Dans les textes qui suivent, nous utiliserons les termes « séparation » ou « MPUC »
Voir aussi notre page sur les différences entre séparation et divorce.
La loi prévoit enfin la séparation de corps (art. 117 ss CC)
Il s’agit-là d’une institution obsolète qui n’est pratiquement plus utilisée car la procédure est plus longue que celle des Mesures Protectrices de l’Union Conjugale / MPUC Eheschutzmassnahmen et ne se différencie de ces dernières que par le fait que le régime matrimonial se liquide alors qu’il ne se liquide pas dans les MPUC.
Rien ne vous force à obtenir un jugement si vous décidez de vous séparer, sans pour autant divorcer. Une séparation de fait est parfaitement possible et praticable.
Il est cependant conseillé, surtout s’il y a des enfants, d’obtenir un jugement pour fixer les droits et obligations réciproques. C’est nécessaire si vous ne pouvez pas trouver un accord à l’amiable (notamment pour décider des pensions ou des questions relatives aux enfants) mais aussi si vous vous séparez d’un commun accord car il vaut mieux fixer tous les éléments importants plutôt que de risquer de ne plus s’entendre par la suite.
Contrairement au divorce, une séparation n’entraîne pas la liquidation du régime matrimonial ni l’équilibrage des LPP.
Le Tribunal peut certes « ordonner la séparation de biens si les circonstances le justifient » (art. 176 al. 1 ch. 3 CC). Mais cette disposition est très peu appliquée car la condition « si les circonstances le justifient » doit être interprétée restrictivement et ne s’applique que lorsqu’il est établi que l’intérêt économique ou les avoirs de l’un ou de l’autre sont concrètement mis en danger (ATF 116 II 21). Par ailleurs, même dans ces cas, le Tribunal ne peut qu’ordonner la séparation de biens et la liquidation concrète du régime antérieur devra se faire séparément, soit par consentement mutuel soit par une procédure ordinaire qui va s’éterniser.
Par conséquent, si vous souhaitez passer au régime de la séparation de biens lors d’une séparation MPUC, le plus simple est de le faire devant un notaire (art. 182 et 184 CC et le notaire n’exige pas de conditions particulières, sauf à être d’accord), ou de ne pas demander de Mesures Protectrices de l’Union Conjugale mais une séparation de corps car, dans le cadre de cette institution désuète, la loi prévoit que les parties passent automatiquement en séparation de biens (art. 118 CC).
A la fin de la page, vous trouverez les liens utiles pour les sujets communs aux diverses procédures (enfant, attribution du domicile conjugal etc).
Contribution à l'entretien du conjoint
Tant que le mariage (ou le partenariat) dure, les conjoints séparés doivent contribuer, chacun selon ses facultés, aux frais des deux ménages.
Car, dans des MPUC (séparation) ou lors de la suspension de la vie commune dans un partenariat, les époux restent mariés et se doivent mutuellement assistance et entretien (art. 163 CC),
- Sans limite de temps (contrairement au principe du divorce), voir 5A_849/2020, consid. 5, et jusqu’à ce que le divorce ait été prononcé de manière définitive et exécutoire (soit 30 jours après réception du jugement de divorce et s’il n’y a pas eu appel). Par conséquent les MPUC continuent à s’appliquer pendant toute la procédure en divorce, tant que le Tribunal du divorce ne les a pas modifiées (5A_267/2018, consid. 5.3).
- Etant entendu que chacun doit faire les efforts nécessaires, qu’on peut attendre, pour travailler et être correctement rémunéré-e (ATF 147 III 301). Voir aussi les dossiers Obligation de travailler et Revenu hypothétique.
La pension doit permettre (si elle est nécessaire) à l’époux-se séparé-e de maintenir le même train de vie qui prévalait avant la séparation (5A_170/2020).
Même si la reprise de la vie commune ne peut être envisagée (5A_344/2019). Tel n’est pas le cas dans un divorce (ou une dissolution de partenariat), où il n’y a en principe plus d’obligation d’aider l’autre financièrement sauf si l’ex-conjoint ne peut pas vivre décemment après le divorce.
En principe, les contributions financières pour le conjoint seront donc plus importantes dans le cadre de mesures protectrices de l’union conjugale que dans le cadre d’un divorce.
Voir par exemple une pension MPUC de 30’000.- par mois réduite dans le divorce à 3’300.- et limitée à 2 mois (5A_679/2019)
C’est souvent pour cette raison (purement financière) qu’un des époux refuse le principe même du divorce (pas seulement les conséquences).
En refusant de divorcer, l’époux(se) peut ainsi spéculer sur le fait qu’il / elle pourra être encore entretenu(e) pendant deux ans. Car ce n’est qu’après deux ans de séparation de fait (une année pour la séparation) qu’on peut obtenir le divorce malgré l’opposition de l’autre (divorce sans consentement mutuel, art. 114 CC).
Sur le principe du maintien du niveau de vie, voir : 5A_267/2014.
Situation financière des conjoints
Dans les cas où la situation financière est très serrée, le Tribunal fédéral considère qu’on peut, sans arbitraire, tenir compte des dettes d’impôts (5A_329/2016) ou pas (5A_599/2014), pour calculer le montant de la pension pour l’époux/se.
Pour le cas où la situation financière est confortable ou très aisée, voir : 5A_864/2018.
Pour calculer les pensions, on peut tenir compte de la fortune si les revenus ne sont pas suffisants (5A_170/2016 et 5A_629/2017), en particulier lorsque la fortune a été accumulée à des fins de prévoyance vieillesse (5A_25/2015).
Pour un exemple où le Tribunal a refusé d’entamer la fortune d’un époux, voir : 5A_25/2015.
Pour un exemple où le Tribunal ordonne l’utilisation de la fortune pour payer l’entretien (obligation d’hypothéquer l’immeuble pour pouvoir payer la pension), voir : ATF 138 III 289.
Si chacun(e) a des revenus ou une fortune lui permettant de maintenir le train de vie mené avant la séparation, aucune contribution financière n’est due, même si l’un a plus de revenu/fortune que l’autre (5A_823/2014).
Si les budgets sont serrés, la pension pour l’enfant (ou les enfants), prime la pension due au conjoint, laquelle prime la pension qui serait due à l’enfant majeur (ATF 146 III 169).
Les pensions peuvent être demandées non seulement pour l’avenir mais aussi pour l’année qui précède la demande (5A_457/2017).
Durée des MPUC
Les MPUC peuvent être demandées pour une période indéterminée ou pour une période déterminée. Si vous faites votre dossier par le site, les MPUC seront demandées pour une période indéterminée.
Si le couple reprend la vie commune, les MPUC deviennent automatiquement caduques (art. 179 al. 2 CC).
Les MPUC déploient leurs effets aussi longtemps qu’elles n’ont pas été modifiées ou supprimées (soit par une demande nouvelle faite devant le même Tribunal, soit par le Tribunal du divorce si une procédure de divorce est entamée ultérieurement) (5A_120/2021).
Tant que le Tribunal du divorce n’a pas prononcé de nouvelles mesures, les décisions prises sur MPUC restent pleinement applicables (5A_120/2021).
Si des MPUC sont prononcées par le Tribunal suisse et qu’ensuite un des deux époux dépose une demande en divorce à l’étranger (soit parce que son droit national le lui permet, soit parce qu’il y a transféré son domicile), les MPUC suisses restent applicables tant que le jugement étranger ne sera pas reconnu en Suisse (il ne sera pas reconnu en Suisse pour tout ce qui concerne les enfants si les enfants ont leur résidence habituelle en Suisse, voir les dossiers « international » et « procédure »).
A titre d’exemple, voir 5A_214/2016.