Divorce et concubinage
Pour ne pas alourdir le texte, « le concubin » signifie aussi « la concubine » et « l’époux » signifie aussi « l’épouse » et les mêmes principes et observations s’appliquent entre partenaires enregistrés.
Quand la question du concubinage se pose, c’est le plus souvent après qu’un jugement de divorce ait déjà été rendu, et il s’agit là d’une nouvelle situation qui permet de modifier le jugement antérieur fixant la pension pour l’ex-époux.
Mais il arrive aussi, surtout lorsque la procédure de divorce s’éternise, que l’époux qui demande une pension post divorce se mette en ménage avec un concubin, alors que le divorce n’est pas encore prononcé ni définitif.
Le Tribunal fédéral a souvent répété qu’il faut entendre par concubinage qualifié (ou concubinage stable) une communauté de vie d’une certaine durée, voire durable, entre deux personnes, à caractère en principe exclusif, qui présente une composante tant spirituelle que corporelle et économique, et qui est parfois désignée comme une communauté de toit, de table et de lit. Le Tribunal doit dans tous les cas procéder à une appréciation de tous les facteurs déterminants, étant précisé que la qualité d’une communauté de vie s’évalue au regard de l’ensemble des circonstances de la vie commune. Il incombe au débiteur d’entretien de prouver que le créancier vit dans un concubinage qualifié avec un nouveau partenaire ; le Tribunal fédéral a toutefois posé la présomption — réfragable — qu’un concubinage est qualifié lorsqu’il dure depuis 5 ans. L’existence ou non d’un concubinage qualifié ne dépend pas des moyens financiers des concubins, mais de leurs sentiments mutuels et de l’existence d’une communauté de destins (5A_109/2021).
En bref, le concubinage qualifié n’est pas une aventure passagère mais il s’agit au moins d’un couple qui s’oblige à un devoir de fidélité et d’assistance et qui retire de la relation tous les avantages d’un mariage (5A_852/2019 ; 5A_679/2019).
Pour un article détaillé (payant), voir Philipp Maier : « Die Konkubinatsklausel — alter Zopf oder notwendiges Regulierungsinstrument? »
Un nouvel enfant issu d’une épouse et de son concubin ne permet pas — à lui seul — de conclure à une relation stable (5A_662/2011).
C’est à l’époux payeur de prouver que l’autre époux vit dans un concubinage qualifié avec un nouveau partenaire (ATF 138 III 97 ; 118 II 235). Ces deux décisions précisent qu’en principe, on ne peut pas parler de concubinage qualifié s’il n’y a pas duré au moins 5 ans mais cette durée peut être réduite selon les circonstances concrètes démontrant qu’à l’évidence, il y a bien un concubinage « qualifié » tel que défini ci-dessus.
La contribution d’entretien peut ainsi être supprimée ou diminuée indépendamment de toute amélioration de la situation financière de l’époux qui en bénéficierait (5A_902/2020).
En effet, en s’engageant volontairement dans une nouvelle communauté de destins, l’époux renonce de facto aux prétentions qu’il a envers son futur ex-conjoint, indépendamment de sa nouvelle situation économique. La renonciation aux prétentions d’entretien peut être plus ou moins définitive, selon que la nouvelle relation de celui ou celle qui concubine de sorte que le concubinage entraîne la suppression ou la simple suspension du droit à la pension (5A_902/2020).
Si un concubinage « qualifié » ne peut être prouvé (parce que la relation est relativement récente et qu’on ne peut démontrer qu’elle est stable et perdure depuis de nombreuses années), il faut examiner si, dans le cas concret, l’ex-conjoint est soutenu financièrement par le concubin (5A_403/2016).
Le cas échéant, il conviendra de tenir compte des prestations réellement fournies par le concubin.
S’il n’y a aucun soutien financier, ou si les prestations fournies par le concubin ne peuvent être prouvées, il peut toutefois exister ce que l’on appelle une « simple communauté de toit et de table », qui entraîne des économies pour chacun des concubins. Ce qui est déterminant, ce n’est pas la durée du concubinage, mais l’avantage économique qui en découle (ATF 138 III 97).
D’autre part, même si le concubin n’a pas les moyens financiers pour soutenir sa partenaire, l’épouse perdra son droit à l’entretien si la relation avec le concubin se base sur de forts sentiments mutuels et l’existence d’une communauté de destin (5A_902/2020 ; 5A_852/2019 ; ATF 138 III 97 et ATF 124 III 52) et l’épouse n’aura plus qu’à s’adresser aux aides sociales.
Ainsi, au pire, le montant de la pension qui serait normalement dû sera en tout cas réduit par les économies que l’autre fait en vivant en concubinage (5A_852/2019 ; 5A_620/2013 ; ATF 138 III 97).
Quelques décisions récentes :
- Concubinage non retenu, car pas de communauté de toit, ni spirituelle, ni économique (5A_679/2019)
- Suppression de la pension pour concubinage qui n’a pas duré 5 ans (5A_902/2020)
- Suppression de la pension lorsque le bénéficiaire vit en concubinage (5A_403/2016)
- Minimum vital réduit à 850.- par mois et prise en compte que de la moitié des frais de loyer pour un concubin, avant de déterminer le montant des pensions dues aux enfants (5A_855/2017)
- Dans le sens inverse, les besoins de la personne bénéficiaire sont aussi réduits lorsqu’elle vit en concubinage, ce qui entraine une pension moindre (5A_583/2019)
Pour approfondir le sujet et aussi voir les aspects internationaux du concubinage, voir l’article (payant) de Lorène Anthonioz : « Les concubinages et partenariats faibles en droit international privé suisse » (2023).