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Devoir réciproque d'information entre époux

Procédures concernées
Divorce hétérosexuel
Divorce homosexuel
Séparation
Partenariat
Modification de jugement
Convention de parents non mariés

Renseignements financiers

Principe

Chaque époux a le droit d’être correctement renseigné sur la situation financière de l’autre, tant en ce qui concerne ses revenus, ses biens et ses dettes, en Suisse ou à l’étranger. C’est le principe de l’article 170 CC.

La demande de renseignements peut être faite de manière autonome et indépendante et ne doit donc pas nécessairement être faite dans le cadre d’un divorce ou d’une séparation (5A_421/2013 ; 5A_768/2012).

Le même principe s’applique pour des partenaires d’un partenariat enregistré (art. 16 LPart).

Il peut notamment être exercé pour avoir les informations financières suffisantes et précises qui permettront de fixer le montant des pensions (ATF 142 III 116) ou pour permettre la liquidation du régime matrimonial (ATF 90 II 467).

Seuls les renseignements et pièces utiles et nécessaires pour évaluer la situation et permettre l’exercice d’un droit peuvent être demandés (ATF 118 III 27 ; art. 170 al. 2 CC).

Ce droit existe tant que les époux ne sont pas divorcés à titre définitif (donc également dans le cadre d’une séparation MPUC) ou tant que la dissolution du partenariat n’a pas été prononcée définitivement.

Ce droit ne renaît pas à l’occasion d’une demande de modification d’un jugement mais on peut arriver à un résultat similaire par la voie procédurale de la « preuve à futur » prévue par l’art. 158 CPC (5A_295/2016).

Le droit aux renseignements doit être exercé de manière raisonnable et pas par simple chicanerie (on ne va pas pouvoir demander tous les 15 jours les relevés bancaires ou l’inventaire de la fortune… !).

International : par l’entremise d’une procédure d’entraide internationale, un Tribunal suisse peut demander des renseignements à l’étranger, comme un Tribunal étranger peut demander des renseignements à la Suisse (ATF 142 III 116 ; 5A_566/2016).

C’est la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l’obtention de preuve à l‘étranger en matière civile et commerciale qui s’applique pour les pays qui l’ont ratifiée. À défaut, l’entraide civile est donnée ou refusée sur la base de l’art. 1 al. 2 LDIP.


Conséquences d’un refus de renseigner (procédure « bagarre »)

Si l’autre refuse de renseigner correctement, une demande de renseignement peut être faite au Tribunal pour obtenir les renseignements demandés. Par exemple obtenir des relevés bancaires, soit de l’époux / partenaire récalcitrant-e, soit directement de tiers comme la banque, y compris un compte bancaire à l’étranger. Il est possible de faire une demande judiciaire pour obtenir ces renseignements (5P.423/2006).

Un Tribunal étranger chargé de décider d’un divorce à l’étranger peut aussi demander l’aide des Tribunaux suisses pour obtenir des renseignements en Suisse (notamment sur un compte bancaire en Suisse (5C.157/2003).

Dans une procédure « bagarre », les parties doivent donner les renseignements suffisants et nécessaires pour faire valoir leurs prétentions et démontrer qu’elles ne peuvent pas obtenir le renseignement par une autre voie (ATF 117 II 218).

Refuser de collaborer ou de transmettre des renseignements (ou de n’en transmettre qu’une partie) peut avoir des conséquences importantes, car le Tribunal pourrait arriver à la conviction que les prétentions et explications de l’époux qui n’a pas (ou que partiellement) rempli son obligation de renseigner sont partiellement ou totalement fausses et que, par conséquent, les déclarations de l’autre époux doivent être retenues (5A_79/2023 consid. 3.3 et 3.4 ; 5A_622/2020 ;5A_155/2015).

Le Tribunal compétent est celui du domicile de l’une ou l’autre des parties.


Limites du droit à obtenir des renseignements

  • Une demande de renseignement sera refusée par le Tribunal si l’époux qui en fait la demande n’a pas d’intérêt concret à être renseigné : par exemple, lorsque l’autre époux a déjà admis pouvoir et vouloir assurer le maintien du train de vie mené avant la séparation (5A_819/2017).
  • En cas de très bonne situation financière, dans laquelle il a de plus été convenu d’une séparation de biens, le conjoint visé par l’obligation d’informer n’est pas tenu de dévoiler son revenu ni sa fortune, s’il a d’ores et déjà admis vouloir assurer à sa future ex-épouse le maintien du train de vie mené par elle avant la séparation (dans ce genre de cas, l’épouse n’a aucun intérêt à avoir des informations complémentaires puisqu’elle est d’ores et déjà assurée de pouvoir maintenir son train de vie et ne peut avoir d’autres prétentions. La demande de renseignements n’est donc pas fondée, car pas utile 5A_918/2014).

Le secret bancaire

Les banques, de même que les gérants de fortune, les agents fiduciaires ou les experts-comptables assumant la fonction de réviseurs ont l’obligation de fournir les renseignements demandés par le Tribunal (ATF 5P.423/2006). Le secret bancaire ne peut pas être invoqué dans ces cas-là (5A_566/2016).

Car le droit du conjoint d’obtenir des informations sur la situation financière de l’autre prime sur le secret bancaire et peu importe que l’autre conjoint ne soit pas titulaire du compte, mais seulement ayant droit économique (ATF 142 III 116 consid. 3.1.3). La banque ne peut refuser de coopérer que si elle rend vraisemblable le fait que l’intérêt à garder le secret l’emporte sur celui à la manifestation de la vérité au sens de l’art. 166 al.2 CPC (ATF 142 III 116 consid. 3.5.1).

Vous ne pouvez pas agir directement contre la banque pour obtenir les renseignements désirés (ATF 5C.157/2003). Il faut d’abord faire valoir vos droits aux renseignements devant le Tribunal et c’est ce dernier qui ordonnera ensuite à la Banque de produire les informations nécessaires (ATF 5P.423/2006).

Voir ici et ici deux articles du Matin Dimanche sur la dissimulation de fonds avec des trusts ou offshores.


Les renseignements dus par des tiers (école, médecin)

  • Les parents qui ont l’autorité parentale conjointe peuvent chacun obtenir des renseignements auprès de l’école ou du médecin de l’enfant, car l’éducation ou la santé de l’enfant font partie des grands domaines de l’autorité parentale.
    Ni les enseignants ni le médecin ne peuvent en principe y opposer le secret de fonction ou le secret médical.
  • Si, contrairement au principe légal, un père ou une mère n’a pas l’autorité parentale, il / elle peut néanmoins avoir droit à un minimum d’informations concernant la santé ou l’éducation de son enfant, lorsqu’il importe de connaître l’état ou le développement de l’enfant, en particulier si des décisions importantes devront ensuite être prises (art. 275a CC). Sauf si l’intérêt supérieur de l’enfant impose que les renseignements ne soient pas donnés (5A_638/2014), le parent qui n’a pas l’autorité parentale doit par principe être renseigné (ATF 140 III 343).

Si le tiers refuse de donner des renseignements, il peut être contraint de le faire par un Tribunal saisi par l’un ou l’autre des parents, y compris un parent non marié (5A_889/2014).

Reste la délicate question des intérêts propres de l’enfant et de son droit de la personnalité. Plus l’enfant avance en âge, plus sa vie personnelle doit être protégée (droit de la personnalité de l’enfant). Ainsi, si un parent demande au médecin traitant de sa fille mineure si elle prend la pilule contraceptive ou si elle s’est fait avorter, le médecin ne répondra pas sans être au préalable délié de son secret professionnelle par sa patiente, la fille mineure.


La restriction du pouvoir de disposer de biens

L’article 178 CC permet de demander au Tribunal qu’il interdise à un-e époux-se de disposer de certains de ses biens. Le principe est identique à l’article 22 LPart, s’agissant du partenariat enregistré.

Concrètement, le Tribunal peut lui ordonner de ne pas vendre certains biens déterminés (tableaux, villas, etc.) ou de prélever de l’argent sur un compte bancaire, sans l’accord de l’autre, y compris lorsque les biens sont situés à l’étranger ou lorsque les avoirs n’appartiennent pas formellement à l’époux (par exemple, si les avoirs sont formellement détenus par une société offshore ou un trust).

Voir deux exemples de limitation très large du pouvoir de disposer dans les arrêts 5A_866/2016 et 5A_60/2020.

Ces mesures conservatoires ont pour but d’assurer une bonne liquidation du régime matrimonial (5A_259/2010).

Le Tribunal donnera suite à votre demande si vous pouvez démontrer qu’il existe une mise en danger sérieuse et concrète que votre époux/épouse dilapide ses biens ou les fasse disparaître (ATF 118 II 378).

Si le Tribunal est convaincu qu’il est nécessaire d’agir rapidement, il peut également ordonner le blocage de comptes bancaires appartenant à votre époux / épouse ou la saisie conservatoire d’un bien pour éviter qu’il / elle n’en dispose (ATF 5A_604/2014).

La saisie / le blocage ne seront ordonnés que dans la mesure nécessaire pour protéger vos intérêts ou ceux de la famille (ATF 5A_604/2014). La saisie / le blocage ne peuvent viser que des biens déterminés (un compte bancaire précisément désigné ou un immeuble déterminé, par exemple) et seront limités dans le temps (ATF 120 III 67).

Le Tribunal compétent est celui de votre domicile ou celui du domicile de votre époux / épouse ou partenaire (5P.360/2004).

Article mis à jour le 11/03/2024