Mesures provisionnelles
L'obtention de mesures provisoires / provisionnelles
Une procédure « bagarre » peut durer des années et demande l’assistance d’un avocat.
La situation exige souvent que des premières mesures soient prises rapidement et dans l’attente du jugement final.
Il s’agit de « mesures provisoires » ou « mesures provisionnelles » qui s’appliqueront jusqu’à la décision finale / le jugement.
Ces mesures ne peuvent être prononcées que si l’urgence de la situation le commande. La mesure requise doit être nécessaire pour éviter qu’un « dommage difficilement réparable » soit crée. Si ce n’est pas urgent, on peut attendre le jugement final.
Par exemple un arrêt genevois du 28 février 2023 : aucune urgence à déterminer le montant de la pension due par la mère, car il n’y a concrètement pas de dommage difficilement réparable puisque le père dispose de moyens suffisants pour couvrir ses frais et ceux des enfants mineurs dont il a la garde.
Les mesures provisionnelles (ou provisoires) sont donc les mesures prononcées par le Tribunal, au début de la procédure, pour régler les questions pratiques et urgentes posées par la situation de crise.
Elles sont provisionnelles, car elles ne déploient leurs effets qu’aussi longtemps que dure la procédure, y compris pendant un éventuel appel ou recours, ou tant qu’elles n’ont pas été modifiées (5A_202/2022 consid. 7.1 ; ATF 137 III 614 consid. 3.2.2 et 3.3).
En principe, le Tribunal ne prononcera des mesures provisionnelles que si elles sont demandées par l’une ou l’autre des parties. Le Tribunal peut cependant fixer des mesures provisionnelles dans l’intérêt des enfants, même si aucun des deux parents ne le demande.
Quelles sont ces décisions ?
Il s’agit, par exemple, de prendre une décision rapidement pour :
- Attribuer la jouissance exclusive du logement familial / domicile conjugal (notamment en cas de violence) (5A_609/2014)
- Modifier provisoirement l’autorité parentale (5A_433/2020), en particulier en cas de risque de déplacement illicite ou d’enlèvement d’enfant (5A_258/2017)
- Fixer provisoirement le droit de garde sur les enfants (plus rarement, l’attribution de l’autorité parentale) (5A_848/2018)
- Fixer (ou interdire) provisoirement un droit de visite (5A_312/2021 ; 5A_162/2020)
- Fixer provisoirement le montant des pensions (5A_517/2020)
- Ordonner des mesures d’éloignement
- Interdire ou empêcher le déplacement d’un enfant, notamment à l’étranger / confiscation du passeport de l’enfant (5A_369/2012 ; Obergericht de Berne 9 septembre 2020 KZ 20 336)
- Interdire la vente d’un bien (5A_635/2018)
- Séquestrer un compte ou des biens (5A_95/2013 ; 5A_262/2010)
- Limiter le pouvoir de disposer de biens (5A_60/2020)
- Ordonner le paiement de sûreté ou de garantie (notamment pour permettre à l’autre de payer son avocat par une provisio ad litem)
- Saisie du salaire
- Ordonner à une banque de donner des informations financières d’un compte appartenant directement ou indirectement à un époux / un partenaire, voire à un parent non marié (5C.157/2003)
- Placement de l’enfant mineur auprès d’un tiers pour protéger l’enfant (5A_524/2021)
- Autoriser un époux à recevoir un paiement anticipé de sa LPP (Cour d’appel vaudoise 23 décembre 2019 CACI 2019/667)
- Nommer un curateur pour représenter l’enfant mineur dans la procédure (5A_123/2020)
- Lorsqu’une procédure de divorce est déjà introduite et pendante à l’étranger mais que des mesures doivent être prises en Suisse et que l’une ou l’autre des conditions fixées par le Tribunal fédéral (5A_801/2017 consid. 3.3.3) est remplie
La procédure sur mesures provisionnelles
Les mesures provisionnelles sont prononcées à la suite d’une procédure sommaire ou accélérée.
Le Tribunal rend un jugement après que les deux parties ont été entendues et qu’elles ont pu apporter — oralement et/ou par écrit — les éléments permettant au Tribunal de se prononcer.
En cas d’urgence toute particulière, le Tribunal peut ordonner immédiatement la mesure sollicitée sans entendre l’autre partie. Il s’agit de « mesures superprovisionnelles », immédiatement applicables, qui seront ensuite confirmées ou modifiées après que l’autre partie aura été entendue.
Les mesures provisionnelles ne peuvent en principe pas être demandées avant que la demande en divorce/séparation/dissolution du partenariat n’ait été déposée (5A_1025/2020).
Recours
Les mesures provisionnelles ordonnées peuvent faire l’objet d’un appel auprès du Tribunal supérieur. En principe, le recours n’a pas d’effet suspensif (art. 315 al. 4 let. b CPC) ; ce qui signifie que le premier jugement peut être exécuté tant que la Cour d’appel ne s’est pas prononcée.
Un recours au Tribunal fédéral n’est possible que si les mesures provisionnelles causent un préjudice irréparable (5A_270/2008).
Modification des mesures provisionnelles
La modification des mesures provisionnelles peut être obtenue si les faits qui ont basé la décision se sont révélés faux ou ne se sont par la suite pas réalisés comme prévu (5A_306/2021 ; 5A_253/2021 ; 5A_42/2019 ; ATF 143 III 617).
De nouvelles mesures provisionnelles peuvent être demandées en tout temps pendant la procédure, à la condition que les circonstances aient changé de manière importante et durable (par exemple si un époux perd son travail) par rapport à ce que le Tribunal connaissait lorsqu’il a pris sa décision. Il faut aussi que le changement de circonstances ne puisse pas avoir été prévisible (5A_732/2015).
Pour un exemple de refus de modifier des mesures provisionnelles car il n’y a pas d’élément nouveau durable et important, voir 5A_306/2021.
Il faut se baser sur un ou des éléments nouveaux pour tenter de modifier une mesure provisoire prononcée, soit un ou des faits qui n’étaient pas déjà connus et qui auraient pu être invoqués dans la procédure précédente qui a mené au prononcé de la mesures provisoire (5A_895/2022 consid. 10.2.2 ; ATF 141 III 376).
En principe, les nouvelles mesures provisionnelles ainsi ordonnées n’ont pas d’effet rétroactif. Cela signifie que les précédentes mesures provisionnelles continuent à déployer leurs effets jusqu’à ce qu’elles soient remplacées par les nouvelles mesures provisionnelles.
Par conséquent, des mesures provisionnelles décidées par un Tribunal sur demande de Mesures Protectrices de l’Union conjugale (MPUC) / séparation continuent à déployer leurs effets, même si une demande en divorce a ensuite été déposée, et tant que le Tribunal du divorce ne modifie pas les mesures provisoires (art. 276 al. 2 CPC ; 5A_316/2018 consid. 3.2 ; ATF 138 III 646).
Le Tribunal du divorce peut prononcer de nouvelles mesures provisionnelles confirmant ou modifiant les mesures provisionnelles décidées auparavant par le Tribunal des Mesures Protectrices de l’Union Conjugale (5A_971/2020 ; art. 276 al. 2 CPC).