Pension entre ex-époux
Le principe est celui du « clean break » (coupure nette), à savoir qu’en principe, il n’y a pas de contribution / pension à prévoir pour l’ex-époux / ex-épouse.
Le Tribunal fédéral souligne régulièrement (5A_88/2023 consid. 3.3.1) que le principe de l’indépendance financière prime le droit à l’entretien post-divorce. Il en découle pour l’époux-se un devoir de se (ré)intégrer sur le marché du travail ou d’étendre une activité lucrative déjà existante.
Un-e époux-se ne peut ainsi prétendre à une contribution d’entretien que si, en dépit des efforts que l’on peut raisonnablement exiger de lui/elle, il ou elle n’est pas ou pas totalement en mesure de pourvoir lui-même/elle-même à son entretien convenable (5A_88/2023, consid. 3.3.1).
Contrairement aux Mesures Protectrices de l’Union Conjugale (MPUC), et vu le principe du clean break, le divorce ne permet pas de maintenir son niveau de vie antérieur. Chacun doit faire les efforts nécessaires pour être financièrement indépendant.
Voir aussi les explications détaillées sur l’obligation de travailler.
Ces principes connaissent cependant des exceptions et une pension post-divorce est exceptionnellement due dans les conditions et circonstances suivantes :
- Si l’on ne peut raisonnablement exiger de l’autre de pourvoir elle-même à son entretien convenable (5A_801/2022 consid. 5.1).
Logiquement et sauf cas d’invalidité partielle ou totale, ce type de pension n’est accordé que pour une période limitée (le temps que le/la bénéficiaire trouve une place sur le marché du travail ou puisse augmenter son taux de travail) et dégressive au fil de ladite période (pour encourager le/la bénéficiaire à ne pas perdre de temps pour (re) devenir financièrement indépendant-e.
En principe, pas de droit à maintenir le niveau de vie mené pendant le mariage -> aide financière temporaire et dégressive.
Après cette courte période (entre quelques mois et 18 mois en général), l’intéressé-e ne peut plus prétendre à recevoir une pension que pour lui permettre de retrouver la situation qui était la sienne avant le mariage, une pension temporaire lui est due (BGE 148 III 161 consid. 5.1 ; ATF 147 III 249 consid 3.4.1 et 3.4.6).
Il s’agit là de couvrir l’intérêt négatif ou le « dommage de mariage » (en allemand « Heiratschaden ») découlant de l’obligation de solidarité post-divorce (5A_312/2023, Consid. 3.1).
On rappelle que chacun doit faire tous les efforts qu’on puisse attendre d’elle/de lui pour (re)devenir financièrement indépendant-e. a défaut, on retiendra un revenu hypothétique.
- Si le mariage a eu un caractère « lebensprägend » soit lorsque le mariage a été de longue durée (plus de 10 ans en général) et a concrètement influencé la situation financière d’un·e conjoint·e, notamment lorsqu’il ou elle a renoncé à poursuivre sa carrière pour s’occuper du ménage et des enfants commun·es sur la base d’une décision commune, qu’il ou elle a permis à l’autre de se consacrer entièrement à sa carrière et d’augmenter son revenu, et que ledit revenu permet de financer deux ménages (5A_801/2022 consid. 5.2, 5.2.2 et 5.4.1).
Soit — en pratique — lorsque l’un des époux a renoncé à son indépendance économique du fait du mariage. Le cas classique est celui de l’épouse qui n’a pratiquement pas travaillé durant un long mariage (ATF 148 III 161 consid. 4.2).
Dans ce type de cas « lebensprägend » -> maintien du niveau de vie antérieur au divorce. Le niveau de vie ne concerne que la couverture des frais et non les économies qu’on fait ou qu’on a pu faire (5A_256/2023 consid. 4.1.2)
Si le maintien du niveau de vie antérieur ne peut pas être assuré, chaque époux doit pouvoir jouir d’un niveau de vie équivalent (les soldes des budgets après séparation sont semblables cf (5A_641/2019 consid 3.1.1 et 4.1).
En principe, ce type de pension n’est accordé que jusqu’à l’âge de l’AVS du/de la bénéficiaire car, une fois atteint l’âge de l’AVS, les prestations AVS et LPP sont en principe suffisantes pour maintenir le niveau de vie mené pendant le mariage (ou le niveau de vie de l’un et l’autre ex-époux sera équivalent lorsque l’âge de l’AVS sera atteint).
Il reste que, parfois, il est nécessaire de prévoir une pension à vie (5A_256/2023 consid. 4.1.3).
- Le Tribunal fédéral considère qu’une mère n’a pas à (re)travailler ni à augmenter son taux de travail tant que le plus jeune des enfants n’a pas atteint l’âge de la scolarité. Il considère également que la mère doit pouvoir travailler à 50 % au moins dès que le plus jeune des enfants est en âge de scolarité et jusqu’à l’âge de 12 ans révolus, puis à 80 % jusqu’à l’âge de 15 ans révolus, puis à 100 %.
En cas de garde alternée, chaque parent est censé travailler à au moins 50 % (5A_484/2020), voire 75 % (5A_252/2023 consid. 4), quel que soit l’âge du plus jeune des enfants.
Si la mère a cessé ou réduit ses activités professionnelles pour s’occuper de ménage et des enfants – et si elle n’a pas l’obligation de travailler comme indiqué ci-dessus — ne peut pas couvrir ses propres frais, elle a droit à une pension (en principe dégressive pour tenir compte des augmentations du taux de travail en fonction de l’avancée en âge du plus jeune des enfants). Il s’agit là d’une contribution de prise en charge,
soit un type de pension particulier (5A_472/2019 consid. 4.2.2).
Les pensions pour enfants sont prioritaires (art. 276a CC). Si le père n’a pas les moyens financiers suffisants pour payer tout ou partie de la pension pour la mère (après avoir tenu compte d’une pension correcte pour les enfants), il n’y aura pas de pension pour la mère (ou qu’une pension insuffisante), et la mère devra alors demander des prestations complémentaires pour pouvoir au moins disposer du minimum vital.
Si vous faites votre divorce par le site, vous aurez à faire les budgets après divorce. Le solde déficitaire du budget de la mère est le montant de la pension qui doit lui être versée.
En tous les cas, les pensions s’arrêtent au jour du décès de l’un ou l’autre des ex-conjoints (art. 130 al. 1 CC ; 5A_611/2022) ou lors du remariage du / de la bénéficiaire de la pension (5A_879/2023). Pour un cas où l’époux payeur décède en cours de procédure, voir 5A_611/2022.
Avant d’examiner si une pension est due et de savoir comment la calculer, il faut aborder 5 sujets connexes.
- Quels sont les autres cas particuliers qui permettent de recevoir une pension ou une contribution en dehors du cas classique ?
- Qu’est-ce qu’un revenu ?
- Doit-on prendre en compte un revenu hypothétique ?
- Y a-t-il une obligation de travailler ?
- Qu’en est-il lorsque l’un des époux vit en concubinage ?
Renoncer à la pension après jugement
Lorsque le tribunal ratifie la convention (et notamment l’éventuelle pension entre adultes), le montant dû à titre de pension est fixé dans le jugement qui ratifie la convention.
Il n’est pas nécessaire de retourner devant le juge (pas nécessaire de faire e modification du jugement) si le/la bénéficiaire de la pension renonce à la pension (5A_132/2023, Consid. 5.1).
La volonté de renoncer doit être claire et explicite. Le simple fait de ne pas demander le payement ne constitue pas, en soi, une renonciation (même arrêt).
On peut également renoncer à des pensions entre adultes déjà dues. A la même condition que la renonciation doit être claire et ne pas résulter d’une erreur ou d’une insuffisance d’information.
Par contre, un parent ne peut pas valablement renoncer à percevoir une pension pour enfant (passée ou à venir). Dans ces cas, il est nécessaire de demander une modification du jugement car le Tribunal est toujours libre de décider si la modification / l’annulation de la pension pour l’enfant est dans l’intérêt de l’enfant.