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Revenu hypothétique et pension de prise en charge

Procédures concernées
Divorce
Séparation
Dissolution de partenariat
Modification de jugement
Convention de parents non-mariés

Introduction

S’il n’y a pas d’accord raisonnable et équilibré entre les parents, le Tribunal déterminera le montant de la pension pour enfant(s) en appliquant la méthode du minimum vital avec répartition de l’excédent.

Le calcul de la pension pour l’enfant se fait en principe selon la méthode des minimums vitaux avec répartition des excédents (détaillé à la page précédente).

Par simplification et pour les revenus entre 6’000.- et 12’000.- par mois, on est dans la bonne « fourchette » en prenant 17 % du salaire net pour un enfant, 27 % pour deux enfants, et 33 % pour trois enfants (ATF 147 III 265 consid. 6.2).

En cas de garde alternée, on prend ces pourcentages sur le différentiel de revenus.

Reste à savoir ce qu’il faut entendre par « revenus ».

Par ailleurs, le parent qui n’a pas les moyens financiers pour couvrir tout ou partie de ses propres frais de base, parce qu’il/elle a arrêté de travailler ou réduit son taux de travail pour s’occuper de l’enfant, a droit à une pension spéciale (« contribution de prise en charge ») qui est incluse dans la pension pour l’enfant, laquelle augmente d’autant.


Qu’est-ce qu’un revenu ?

Voir ici.


Revenus hypothétiques

Voir les détails dans le dossier qui est consacré à ce sujet.

Ces principes ont souvent été repris et rappelés, par exemple dans les arrêts 5A_274/2023 consid. 3.3 et 5A_77/2022.

En bref, il est demandé et attendu que chaque parent fasse tout son possible pour travailler au mieux de ses capacités (sous réserve qu’un parent n’a pas l’obligation de (re)travailler ou d’augmenter son taux de travail existant tant que le plus jeune des enfants n’est pas en âge de scolarité obligatoire, puis de travailler à au moins 50 % (75 % en cas de garde alternée équilibrée (5A_252/2023) jusqu’à l’âge de 12 ans révolus du plus jeune, 80 % jusqu’à l’âge de 16 ans révolus du plus jeune et à 100 % ensuite) et donc, de recevoir une rémunération conforme à ses capacités.

  • Si l’on prétend que l’état de santé ne permet pas de travailler, la présentation d’un certificat médical quelconque ne suffit pas. Ce qui est déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical, ce n’est pas son origine ou sa dénomination, mais son contenu. Il est notamment important que la description des interférences médicales soit claire et que les conclusions du médecin soient bien étayées (5A_88/2023 ; 5A_584/2022 consid. 3.1.4).

Si tel n’est pas le cas, le Tribunal ne se contentera pas des revenus déclarés, mais il fixera des revenus hypothétiques, ceux que la personne intéressée peut raisonnablement recevoir, afin de fixer le montant des pensions pour enfant(s).

L’application concrète de ces principes est parfois problématique :

  • En mesures provisoires urgentes, la garde de l’enfant a été attribuée à la mère, et un très large droit de visite — proche de la garde alternée — a été réservé au père. La mère travaillait à 50 %, le père à 80 %. Après déduction des charges respectives et incompressibles de chaque parent, il restait un disponible de 2’783.- pour le père et de 2’570.- pour la mère. Le Tribunal fédéral a considéré qu’en vertu de la règle sur les degrés de scolarité (l’enfant avait juste 6 ans), on ne pouvait pas demander à la mère de travailler à plus de 50 %. Par contre, et malgré le droit de visite du père proche de la garde alternée, on exigeait du père qu’il augmente son taux de travail de 80 % à 100 % (5A_264/2019).
    On peut sérieusement se demander si cette solution est vraiment celle qui était dictée par l’intérêt supérieur de l’enfant. Cet intérêt n’aurait-il pas été mieux respecté en faisant preuve de moins de rigidité dans la règle sur les degrés de scolarité et de demander à la mère d’augmenter quelque peu son temps de travail (à 60 % par exemple), pour permettre au père de pouvoir avoir plus de temps pour s’occuper de l’enfant en ne travaillant qu’à 80 % ?
  • Dans un autre arrêt rendu à la même époque, mais dans le cas d’une situation financière très serrée, le Tribunal fédéral a considéré que si les deux parents ont travaillé avant la naissance de l’enfant — et aussi ponctuellement après la naissance, la personne qui a réduit son temps de travail après la naissance doit pouvoir reprendre une activité lucrative après quelques mois de délai (9 mois est un « délai généreux ») (5A_329/2019).

C’est dire si la prévisibilité et la lisibilité des diverses décisions sont très aléatoires et font la joie des avocats. Il est regrettable que, au total, la fixation du montant de la pension résulte plus de décomptes d’apothicaires que du réel intérêt supérieur de l’enfant.

On fait de belles théories et de très beaux calculs qui donnent l’impression d’être objectif, mais on s’abstient de vérifier le résultat à l’aune du concret et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Plutôt que de faire imposer une solution par le Tribunal (après deux ans minimum de procédure si on va jusqu’au Tribunal fédéral), il est donc primordial de tout faire, intelligemment et concrètement, pour arriver à une solution acceptable entre parents (quitte à utiliser l’aide d’un médiateur professionnel qui — lui — n’impose rien et amène et l’un et l’autre à trouver eux-mêmes une solution acceptable, pratique et concrète, dans l’intérêt de l’enfant).

Un revenu hypothétique peut être retenu à une mère qui a la garde d’un enfant et enfante un deuxième enfant avec un autre père (jurisprudence vaudoise, CACI 31 janvier 2022).


Contribution de prise en charge

Lorsqu’un parent s’occupe de l’enfant (garde alternée ou attribuée) et n’a pas les moyens financiers suffisants pour couvrir ses propres besoins car son temps de travail a été réduit pour s’occuper de l’enfant, une pension de prise en charge est due (5A_468/2023, consid. 8.4).

Il n’y a pas de contribution de prise en charge si le parent qui la demande travaille déjà à 100% ou est totalement incapable de travailler (5A_648/2020, Consid.6.3 ; 5A_773/2022, Consid. 4.1.1)

Le Tribunal fédéral a résumé dans son arrêt 5A_836/2021 les conditions qui doivent être remplies pour qu’une contribution de prise en charge en faveur d’un parent puisse être incluse dans la pension pour l’enfant :

« L’art. 285 al. 2 CC prévoit que la contribution d’entretien à l’enfant sert aussi à garantir la prise en charge de l’enfant par les parents et les tiers. Lorsque la prise en charge est assurée par l’un des parents (ou les deux), l’obligeant ainsi à réduire son activité professionnelle, la contribution de prise en charge doit permettre de garantir sa présence auprès de l’enfant (ATF 144 III 377 ; 5A_327/2018). Aux frais directs générés par l’enfant viennent donc s’ajouter les coûts indirects de sa prise en charge, indépendamment du statut civil de ses parents (ATF 144 III 377 ; 5A_880/2018 ; 5A_931/2017). »

Si les moyens financiers sont limités, la contribution de prise en charge se détermine sur la base du minimum vital du parent gardien. À l’inverse, le montant maximum de la contribution de prise en charge est égal au montant nécessaire permettant au parent gardien de couvrir son minimum vital élargi du droit de la famille (voir le dossier sur le minimum vital ainsi que 5A_836/2021 consid. 4.1).

En bref, la contribution de prise en charge permet au parent qui s’occupe de l’enfant, et qui a limité ou cessé ses activités professionnelles, de disposer des moyens financiers pour couvrir ses propres frais de subsistance (5A_327/2018 consid. 6.2 ; ATF 144 III 377).

La pension ordinaire pour la contribution à l’entretien de l’enfant doit par conséquent être augmentée du montant nécessaire à l’autre parent :

  • qui a dû réduire (ou cesser) ses activités professionnelles pour s’occuper de l’enfant
  • ET dans la mesure où ses revenus actuels ne suffisent pas à couvrir ses dépenses usuelles.

S’agissant du montant à prévoir, il se déduit des budgets. Si vous faites votre documentation sur divorce.ch, les budgets sont prévus et faciles à remplir. En principe, le solde négatif du budget après séparation représente le montant de la pension pour prise en charge à prévoir. Ainsi, le budget sera équilibré. Si l’autre parent n’a pas les moyens financiers pour payer à la fois la pension pour l’enfant et la pension pour prise en charge, la pension pour l’enfant prime et le budget du parent payeur doit être réduit au minimum vital strict. Si, malgré ces mesures, les ressources du parent payeur ne lui permettent pas de payer l’intégralité des pensions, son minimum vital strict doit être sauvegardé et l’autre parent aura sans doute droit aux prestations complémentaires.

Comme la contribution de prise en charge vise à compenser la diminution de revenu du parent qui a réduit ou cessé ses activités professionnelles, il ne peut y avoir de contribution de prise en charge si la personne bénéficiaire travaille déjà à 100 % (5A_648/2020).

Il n’y a pas de pension de prise en charge possible si la mère (ou le père) en charge de l’enfant est en situation de couvrir ses besoins vitaux, soit a suffisamment de ressources pour couvrir son minimum vital élargi du droit de la famille (5A_382/2021 ; ATF 148 III 352 consid. 7.2.3).
Voir aussi le dossier obligation de travailler.

Puisque le parent qui a la garde de l’enfant doit pouvoir travailler à hauteur de 50 % jusqu’à ce que le plus jeune des enfants atteigne l’âge de 12 ans révolus, puis 80 % (dès 15 ans révolus), et à 100 % au-delà de 16 ans révolus, la contribution de prise en charge ne pourra en principe pas aller au-delà de l’âge de 16 ans révolus du plus jeune des enfants et ira en diminuant en fonction de l’avancée en âge des enfants.

  • S’il est allégué que l’état de santé ne permet pas de travailler, le dépôt de n’importe quel certificat médical ne suffit pas. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. Il importe notamment que la description des interférences médicales soit claire et que les conclusions du médecin soient bien motivées (5A_88/2023 consid. 3.3.3 ; 5A_584/2022 consid. 3.1.4).

Par conséquent, le montant de la pension de prise en charge est en principe dégressif, en fonction de l’augmentation du taux de travail et de revenu du parent bénéficiaire, et s’arrête en tous les cas dès que le plus jeune des enfants a atteint l’âge de 16 ans révolus.

Si la situation financière du parent créancier (celui/celle qui reçoit la pension) s’améliore substantiellement et durablement, la pension de prise en charge peut être réduite ou supprimée (ATF 150 III 153).

Dans les procédures « bagarre », il est parfois difficile de démontrer que les conditions de la contribution pour prise en charge ne sont pas réunies. Voir par exemple 5A_192/2018, où une contribution pour prise en charge a été retenue en faveur d’une mère qui a certes arrêté de travailler à la naissance de l’enfant, mais qui, selon le père, ne s’occupait que peu de l’enfant, souvent confié à une nounou brésilienne, à « des copines » ou à la crèche, tandis que la tenue du ménage se faisait par une femme de ménage.

Pour un exemple concret de calcul de la pension pour enfant et de la pension de prise en charge, voir 5A_975/2022 et, s’agissant d’enfants communs et non communs, 5A_565/2023, consid. 5.3.

Pour plus de détails sur la pension de prise en charge, voir ici.

Article mis à jour le 05/12/2024