La garde
Le principe de la garde de l'enfant
Attention : ne pas confondre l’autorité parentale et la garde.
- L’autorité parentale reste, en général, conjointe après une séparation ou un divorce. Elle comprend le pouvoir de prendre les décisions les plus importantes pour l’enfant mineur (domicile, éducation, santé, religion, etc.)
- La garde comprend le devoir de s’occuper de l’enfant mineur au jour le jour (lui donner à manger, l’habiller, etc.)
Par conséquent, ce n’est pas parce que l’autorité parentale reste conjointe que la garde serait nécessairement alternée (5A_281/2020 consid. 4.2).
La garde est soit alternée, soit attribuée à l’un des deux parents (et l’autre a alors un droit de visite). Si vous décidez de préparer votre documentation sur divorce.ch, le choix vous est bien sûr proposé par les outils du site.
Les détails de la réglementation en vigueur
Le Tribunal n’est jamais lié par l’accord des parents sur tout ce qui concerne les enfants. Certes, en général, il ratifiera (acceptera) un accord raisonnable, mais ne le fera que si cet accord correspond bien à l’intérêt supérieur de l’enfant.
De même, en cas de dispute sur la garde, le Tribunal décidera selon l’intérêt supérieur de l’enfant (et en aucun cas pour « punir » l’un des parents pour son attitude). L’intérêt de l’enfant doit primer sur l’intérêt d’un parent (5A_230/2022 consid. 4.1 ; 5A_968/2020 ; 5A_848/2018 ; ATF 142 III 617).
En principe, un curateur est nommé à l’enfant par le Tribunal lorsque les parents se déchirent sur la garde de l’enfant (5A_30/2024).
S’il a de bonnes raisons pour le faire, le Tribunal peut aussi s’écarter des recommandations faites par les services sociaux (5A_277/2021 ; 5A_271/2019).
Une garde alternée ne peut être décidée que si l’autorité parentale reste conjointe (5A_320/2022 consid. 8).
De plus en plus (environ 35 % des cas), les parents décident d’une garde alternée.
Même si l’un des parents s’y oppose formellement, le Tribunal — à la demande d’un parent ou de l’enfant — doit examiner si une garde alternée est conforme aux intérêts de l’enfant (art. 298 al. 2ter CC ; 5A_46/2015, confirmé par 5A_888/2016).
Lorsque l’enfant est confié à la garde de tiers (maman de jour, garderie, etc.) pendant que le parent travaille, ces frais de garde de tiers doivent être pris en compte dans la contribution financière pour l’enfant (art. 285 al. 2 CC).
Lorsque la garde n’est pas alternée mais qu’elle est attribuée à l’un des parents :
- Le parent qui n’a pas la garde doit payer une pension pour l’entretien de l’enfant (5A_337/2022). Le montant peut aller jusqu’à couvrir l’intégralité des frais réels de l’enfant si les ressources du parent payeur sont suffisantes (5A_665/2020 ; 5A_916/2019).
- Le parent qui a la garde a droit de recevoir une contribution propre, pour lui-même, au titre de la prise en charge de l’enfant (art. 285 al. 2 CC), dans les cas où le fait de garder un enfant entraîne des coûts propres au parent gardien, voire la diminution de ses capacités de travail et de rémunération (5A_454/2017).
En principe, le régime de garde qui a été décidé lors d’une séparation antérieure (MPUC) est maintenu pour décider du régime de la garde dans le divorce (5A_549/2016), sauf changement fondamental et durable de la situation qui prévalait à l’époque.
L'importance des termes du jugement
Les termes de la convention (que le Tribunal doit ratifier (accepter) dans les procédures par consentement mutuel) ou les termes du jugement (procédures « bagarre ») doivent déterminer précisément la garde.
Il est exclu de se satisfaire d’un « on fera comme on voudra » ou de dire que la garde s’exercera « d’entente avec la mère » (5A_454/2019).
Bien sûr que « vous ferez ce que vous voulez » dans la pratique (modifier ponctuellement ou durablement, par accord exprès ou tacite, tel ou tel jour du droit de garde par exemple) et personne ne viendra vérifier si l’accord ou le jugement est bien respecté.
Mais le jour où il n’y a plus d’accord sur tel ou tel aspect de la garde, ce sont les termes du jugement qui s’appliqueront.
La seule façon de modifier un jugement est d’obtenir (par consentement mutuel ou non) un nouveau jugement, suite à une demande de modification du jugement.
La garde attribuée
Pour ne pas perturber les enfants, il est préférable de décider ensemble du droit de garde (et du droit de visite au cas où les parents conviennent de ne pas choisir une garde alternée).
Lorsque la garde est attribuée à l’un des parents, l’autre parent bénéficie en principe d’un droit de visite.
S’il n’y a pas d’accord, le Tribunal décidera du régime de garde (attribuée avec un droit de visite à l’autre ou une garde alternée) en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Si, contrairement à la règle, l’autorité parentale n’est pas conjointe, le parent qui n’a pas l’autorité parentale ne peut pas avoir la garde de l’enfant, et la garde sera donc attribuée au parent qui a l’autorité parentale (5A_484/2020 ; 5A_472/2019).
L’intérêt de l’enfant prime sur toutes les autres considérations.
Les critères pour décider d’un droit de visite sont les mêmes, quelle que soit la procédure (divorce / séparation / dissolution du partenariat / parents non mariés) (5A_319/2013).
- En cas de capacité éducative équivalente des père et mère, l’enfant est attribué au parent qui dispose des meilleures disponibilités pour s’occuper personnellement de lui. Comme beaucoup de mères ne travaillent qu’à temps partiel, elles sont davantage disponibles et la garde leur est donc attribuée très régulièrement dans les procédures « bagarres ». La capacité éducative peut être l’objet d’une expertise (5A_332/2024).
- En cas de disponibilité équivalente des parents, la stabilité de la situation pour l’enfant est déterminante (avec quel parent l’enfant passait plus de temps avant la séparation ?).
- Lorsque l’enfant est adolescent, et ainsi capable d’exprimer clairement sa volonté, celle-ci doit être prise en compte. Plus l’enfant grandit et arrive à l’adolescence, plus son avis comptera (voir 5A_488/2017).
- D’autres critères peuvent également entrer en ligne de compte (capacité de collaborer avec l’autre parent, lien personnel spécial avec l’enfant, etc.) En principe, une fratrie n’est pas séparée, sauf — parfois — et par exemple :
- S’il y a une grande différence d’âge entre les enfants (5A_901/2017).
- L’un des deux parents s’installe à l’étranger avec 2 des 3 enfants, le troisième étant sous la garde du parent qui n’a pas déménagé et qui est plus à même de s’occuper de l’enfant (5A_637/2022).
- Autre exemple (sans que l’arrêt ne permette de comprendre la raison de la séparation de la fratrie) : 5A_91/2022.
Dans les situations de demi-frères ou demi-sœurs, on peut accepter plus facilement que l’enfant commun ne soit pas soumis au même régime de garde que ses demi-frères/sœurs (5A_637/2022).
Quelques cas pratiques à titre d’exemple :
- Pour des décisions attribuant la garde au père, voir 5A_361/2023 ; 5A_159/2020 ; 5A_729/2020 ; 5A_455/2019.
- Une mère ne travaille qu’à temps partiel et présente des capacités éducatives plus ou moins égales à celles du père, mais ne fait rien pour favoriser les contacts avec le père. La garde lui est néanmoins attribuée, car elle dispose de plus de temps pour s’occuper de l’enfant, qui, de surcroît, a pratiquement toujours vécu avec elle depuis la séparation des parties et dont les troubles du comportement risqueraient d’être aggravés par un changement dans sa prise en charge (ATF 136 I 178).
- Confirmation du refus d’instaurer la garde alternée à des parents non mariés, principalement en raison du conflit parental et du rapport des services sociaux qui préconise le maintien d’une situation à laquelle les enfants sont habitués et qui garantit des relations régulières avec leurs parents (5A_844/2019).
- Le Tribunal fédéral ne revoit les décisions sur la garde que si la décision est arbitraire. Il n’est pas arbitraire d’attribuer la garde d’une fille de 14 ans à la mère lorsque l’enfant passe déjà l’essentiel de son temps avec la mère et que le père refuse une garde alternée (5A_960/2023).
- Pour d’autres exemples, voir le dossier modification du jugement.
S’il y a plusieurs enfants communs, le Tribunal évitera autant que possible de les séparer. En principe, on ne sépare pas une fratrie (5A_844/2019).
Si vous faites votre documentation sur divorce.ch, vous ne pourrez pas prévoir un régime de garde différent, selon les enfants.
La garde alternée
De plus en plus, les parents conviennent d’une garde alternée. Selon des statistiques officielles, un bon tiers des parents choisissent ce mode de garde. Tel est également le cas pour les utilisateurs de divorce.ch (35 % choisissent une garde alternée).
À l’origine, on distinguait la garde alternée (50 % du temps auprès de chaque parent) de la garde partagée (moins de 50 % pour un des parents mais au moins 35 % du temps).
Aujourd’hui, on ne fait plus cette différence et on parle de garde alternée dans les deux cas (5A_1031/2019). Parfois, on rajoute « garde alternée parfaitement équilibrée » pour les accords sur le partage du temps à 50/50.
- Une garde est alternée dès que les parents gardent leur(s) enfant(s) pour des périodes plus ou moins égales (minimum de 30 % — 70 % ou 51 heures par semaines minimum vacances comprises), pouvant être fixées en jours, en semaines, voire en mois (5A_800/2021 ; 5A_230/2022 ; Arrêt du Tribunal cantonal de St-Gall du 30 octobre 2023 ; 5A_844/2019).
En principe, chaque parent passe les weekends avec l’enfant de manière alternée et les vacances sont également partagées (5A_888/2016), mais rien n’empêche de s’éloigner de la norme.
Pour le Tribunal fédéral, on parle de garde alternée dès que l’un des parents garde l’enfant pendant au moins 30 % du temps (5A_367/2020), mais le pourcentage fait débat et pourrait être abaissé. Ainsi, par exemple, la Cour d’appel de Zurich a dit qu’une garde alternée doit être retenue dès que l’un des parents consacre au moins 20 % de son temps à l’enfant. Et, d’un autre côté, le Tribunal fédéral remonte le curseur à près de 50 % (5A_218/2023 consid. 3.2.1).
En principe, lorsqu’une garde alternée est déjà pratiquée avec succès, il n’y a pas de raison de modifier le régime de garde par la suite (5A_430/2023, Consid. 4.4.3).
Si les parents ne sont pas d’ores et déjà d’accord pour une garde alternée, les tribunaux ordonnent plus facilement une garde alternée – malgré l’avis contraire d’un parent, lorsque les deux parents se sont relayés pour s’occuper de l’enfant avant leur séparation (5A_972/2023, Consid. 3.1.2) ou lorsque les parents séparés la pratiquent déjà.
À la demande d’un parent ou de l’enfant, le Tribunal doit examiner si une garde alternée doit pouvoir être mise en place, malgré l’opposition de l’autre parent (art. 298 al. 2ter CC ; 5A_800/2022 ; ATF 142 III 612).
Même s’il n’est pas (encore) capable de discernement, l’avis de l’enfant doit être pris en compte en cas de désaccord entre les parents (5A_430/2023, Consid. 4.1, Voir aussi le dossier qui est consacré à l’avis de l’enfant).
L’instauration d’une garde alternée suppose que les parents soient suffisamment adultes pour maintenir un minimum de dialogue et de coopération entre eux et qu’ils s’entendent sur les intérêts fondamentaux de l’enfant/des enfants (5A_617/2021).
On peut notamment imaginer un accord entre les deux parents pour que l’enfant vive une semaine chez maman, une semaine chez papa ou chez maman du lundi au mercredi puis chez papa du jeudi au dimanche. Plus la moitié des vacances scolaires.
Ou encore, le fameux « 2-2-3 », à savoir une semaine A où les enfants sont chez le père les lundis et mardis, et chez la mère les mercredis et jeudis, et le weekend chez leur père, en alternance avec une semaine B où les enfants seront les lundis et mardis chez leur mère, les mercredis et jeudis chez leur père, et le weekend chez leur mère. Plus la moitié des vacances scolaires.
Ou encore, si les deux parents ont des horaires souples et adaptés, on peut penser à un accord où l’enfant dort tous les soirs chez un parent et vit chez l’autre parent pendant la journée, chaque parent ayant l’enfant un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires.
Pour un exemple de réglementation complexe de la garde alternée, voir 5A_641/2015.
Une autre possibilité est le « nid commun » : au lieu de faire changer les enfants régulièrement de domicile, les parents déménagent chaque semaine, quinzaine ou mois dans le « nid commun » (qui est généralement l’ancien domicile conjugal), sans que les enfants n’aient à se déplacer. Cette solution n’est toutefois pas recommandée. Il est certainement dans l’intérêt des enfants de ni devoir déménager, ni de changer régulièrement de domicile, mais l’expérience montre que ce système ne tient souvent pas la route à long terme (l’un des parents se retrouve en couple avec une nouvelle personne).
La plupart du temps, c’est l’enfant qui passe d’un domicile à l’autre (« modèle pendulaire », Wechselmodell en allemand) mais on peut aussi concevoir le « modèle du nid commun » (Nestmodell en allemand), notamment pour les très jeunes enfants : l’enfant ne bouge pas et ce sont les parents qui, à tour de rôle, s’installent dans l’appartement / la maison où l’enfant réside. Certes, c’est certainement l’intérêt des enfants de ne pas avoir à se déplacer et de changer de domicile régulièrement, mais l’expérience montre que ce système ne tient souvent pas dans la durée (l’un des parents refait sa vie avec un nouveau compagnon / une nouvelle compagne, par exemple).
Enfin, si vous divorcez mais décidez de ne pas vivre séparés (divorce pour des raisons fiscales ou de liquidation de la LPP), on parle alors d’une garde conjointe ou de garde commune des enfants.
Plusieurs critères (5A_11/2020) doivent être réunis pour qu’un régime de garde alternée puisse être décidé :
1. Autorité parentale conjointe
Une garde alternée ne peut pas être décidée si l’autorité parentale n’est pas conjointe (ATF 150 III 97, Consid. 4.3.2). L’autorité parentale conjointe est certes la règle, mais elle n’entraîne pas automatiquement une garde alternée.
2. Intérêt de l’enfant
Il s’agit là du critère fondamental (ATF 144 III 481 ; ATF 141 III 612), l’intérêt des parents passant toujours au second plan (ATF 142 III 617).
L’âge de l’enfant peut paraître contraire à l’instauration d’une garde alternée (5A_462/2019).
Le régime de la garde alternée ne doit pas entraîner, par exemple, de longs trajets entre les logements et l’école de l’enfant (5A_72/2016 ; 5A_904/2015). Cela étant, un certain éloignement géographique n’entraîne pas nécessairement qu’une garde alternée ne soit pas prononcée, notamment lorsque les enfants ont toujours été accoutumés à ce genre de déplacements fréquents (5A_200/2019).
3. Capacités éducatives des parents
Chaque parent doit avoir la capacité d’éduquer correctement l’enfant. Sans une bonne coopération, l’exercice pratique de la garde alternée serait problématique.
4. Bonne capacité et volonté
C’est aux parents de communiquer et de coopérer entre eux. (Le cas échéant, via les services sociaux ou un service de curatelle pour les plus jeunes enfants).
5. Souhait de l’enfant
Plus l’enfant est apte à se déterminer, plus son avis compte (5A_488/2017).
Voir pour les critères d’une garde alternée ou l’attribution de la garde à un seul des parents (ATF 142 III 617 ; 5A_425/2016).
Quelques exemples et points de repère :
- À priori, pas de modification d’une garde alternée déjà pratiquée et qui est sans préjudice pour l’enfant de 3 ans et demi (5A_ 367/2020 consid. 3.4.3 ; ATF 142 III 617 consid. 3.2.3)
- Un très large droit de visite, équivalent à la moitié totale de la prise en charge, doit être considéré comme une garde alternée (ATF 147 III 121 consid. 3.2.3)
- Garde alternée ou attribuée lorsque le droit de visite est d’un weekend sur deux, plus un jour ou deux par semaine, et la moitié des vacances scolaires ? Attribuée (5A_117/2021 ; répartition de 28,5 % et 71,5 %) ; alternée (5A_722/2020 ; répartition de 40 % et 60 %), car les deux solutions ne sont pas arbitraires
- Garde alternée prononcée malgré l’opposition de la mère et d’importantes difficultés (mais pas de « défaillances ») de communiquer (les parents ne communiquent qu’à travers des tiers : 5A_316/2022 consid. 3.3 et suivants). Dans le même sens, 5A_692/2023.
- Garde alternée prononcée malgré l’opposition d’un parent (et contrairement à l’avis des services sociaux et de la curatrice de l’enfant, vu les actes de maltraitance récents) : 5A_794/2017
- Garde alternée équilibrée accordée (et non fractionnée comme le demandait la mère), conforme aux conclusions de l’expert nommé par le Tribunal (5A_700/2021)
- Le Tribunal fédéral sanctionne le juge cantonal qui a arbitrairement attribué la garde au père sans suivre les recommandations de l’expert (5A_928/2022)
- Garde attribuée à la mère malgré la demande du père pour une garde alternée : 5A_512/2017
- Garde alternée prononcée (30/70 %), le père ayant réduit son taux de travail pour être plus disponible, alors que la mère soupçonnait des violences physiques du père sur les enfants (non démontrées) : arrêt du Tribunal Cantonal de St-Gall du 30 octobre 2023
- Garde alternée refusée, car pas dans l’intérêt de l’enfant (horaires de travail du père trop irréguliers), fille de 13 ans (5A_164/2019 consid. 3.4)
- Refus d’ordonner une garde alternée qui risque d’envenimer encore plus une situation déjà très conflictuelle (5A_975/2022)
Même en cas de garde alternée, l’enfant ne peut avoir qu’un seul domicile (art. 23 al. 2 CC). Les parents doivent donc décider quel est le domicile officiel de l’enfant.
Le cas échéant, un parent peut réduire son taux de travail pour mieux s’occuper de l’enfant dans une garde alternée (5A_888/2016).
Le Tribunal acceptera (ratifiera) d’autant plus facilement l’accord sur une garde alternée qu’elle a déjà été pratiquée avec succès depuis quelques mois (ATF 142 III 612 ; ATF 142 III 617). Cet « essai préalable » vous est recommandé de manière à pouvoir vérifier concrètement que la garde alternée convenue est réellement praticable.
Attention aux aspects fiscaux, qui sont différents selon que l’autorité parentale est conjointe ou non, ou selon que la garde est alternée ou non, et selon que des pensions soient fixées ou non.
Quelques cas d’application tirés de la pratique :
- Une distance de 5,6 km entre le domicile de la mère et celui du père n’est pas un motif suffisant pour ne pas prononcer une garde alternée, car il ne s’agit pas là d’une « charge extraordinaire » et « ingérable » pour les enfants, et ce, d’autant plus que, malgré la mauvaise communication et mauvaise coopération entre les parents, les enfants ont souhaité une garde alternée (5A_100/2021).
- Il est sans importance que le père n’ait pas spécifiquement requis une garde alternée lorsque celle-ci était déjà pratiquée de facto, et qu’au surplus, le Tribunal a le devoir de se prononcer selon l’intérêt des enfants (ATF 147 III 121).
- Une garde alternée n’est pas nécessairement le partage du temps de chaque parent à 50/50, mais il doit s’agir d’une répartition équilibrée qui va au-delà du simple droit de visite usuel (ATF 147 III 121).
- Même si la garde alternée est proposée par les deux parents, le Tribunal est toujours entièrement libre de décider si elle est compatible avec l’intérêt de l’enfant (5A_842/2021).
- En principe, une garde alternée permet à chaque parent d’être plus disponible professionnellement, de sorte que chaque parent doit pouvoir travailler à un taux d’au moins 50 %, en général (5A_484/2020 ; 5A_472/2019).
- Le manque de communication ou de collaboration entre parents n’est pas en soi un motif pour ne pas décider d’une garde alternée (5A_277/2021).
L'avis d'un expert / les projets en cours
Interview de Nicolas von Werdt (Juge au Tribunal fédéral) publiée le 13 mars 2017 par le journal Tagesanzeiger et traduite en français par Père Pour Toujours Genève.
Plusieurs interventions ont été faites au Parlement pour privilégier, voire imposer par la loi, un régime de garde alternée. Pour un résumé, voir l’article (payant) de Sabine Aeschlimann, Jonas Schweigerhauser et Diego Stoll : « Das Parlament revidiert das Familienrecht — Was sagen Lehre und Praxis dazu? » (2024).
En 2017, une Étude interdisciplinaire a été commandée à l’université de Genève par l’Office fédéral de la Justice (OFJ).
Le consensus est qu’en l’état, il n’est pas nécessaire ni souhaitable d’imposer la garde alternée, même si elle doit être privilégiée dans tous les cas où elle peut répondre à l’intérêt supérieur de l’enfant (Voir le communiqué du Conseil fédéral du 24 avril 2024).
Reste que la réalité est souvent plus complexe que les beaux principes et les parents sont souvent frustrés par trop de rigidité imposée. Voir à ce sujet l’article (payant) de Heidi Stutz et Heidi Simoni : « Theorische Obhutüberlegungen und die gelebte Betreuungsrealität in Familien mit getrennten Eltern » (2024).
L’influence positive d’une garde alternée
Différentes études ont prouvé que la garde alternée contribue au bien de l’enfant.
En particulier :
- Le père passe deux fois plus de temps avec l’enfant qu’un père qui n’a pas la garde, ce qui ne peut être que bénéfique pour l’enfant.
- Une meilleure relation entre le père et l’enfant a pu être constatée si le père partage la garde avec la mère, ce qui permet au père de s’investir plus dans la vie de son enfant.
- Il y a moins de rupture de contact entre l’enfant et son père : la motivation de s’investir dans une relation plus importante avec son enfant est plus grande dans le cas de garde alternée.
- Les pères sont en général plus satisfaits et leur estime de soi est renforcée.
- La garde alternée soulage les mères. Elles ont plus de temps pour leur activité professionnelle et pour maintenir et développer des relations sociales qui peuvent les soutenir ou leur permettre de mener une vie plus équilibrée.
- Les pères qui partagent la garde avec la mère payent les contributions financières plus régulièrement et plus facilement que ceux qui ne partagent pas la garde.
Voir le Rapport de l’Association Suisse pour la Coparentalité (GECOBI).
Modification de la garde
La situation peut évoluer, soit au cours de la procédure, soit après que le jugement ait été rendu, et le régime de garde peut donc être modifié, soit pendant la procédure, soit après que le jugement ait été rendu, notamment si le pronostic précédemment retenu se révèle erroné ou que le maintien de la réglementation de la garde risque de porter atteinte au bien de l’enfant (menaces sérieuses). Bien évidemment, on ne va pas changer le régime de garde au gré des humeurs ou des petits tracas qui peuvent se produire. La modification doit être imposée au vu de l’intérêt de l’enfant (5A_415/2021). Ce n’est que s’il y a un changement important que les Tribunaux vont le considérer.
Pour plus de détails sur la modification d’un jugement, voir le dossier consacré à cet aspect.