L’avis de l'enfant
Les parents et le Tribunal tiendront compte, dans une certaine mesure, de la volonté ou de l’opinion de l’enfant avant de décider des modalités et des fréquences du droit de visite. Cependant, tant le Tribunal que les assistants sociaux (qui sont souvent consultés lorsque les parents n’arrivent pas à s’entendre) savent que, trop souvent, l’enfant est placé devant un conflit de loyauté et qu’il cherche consciemment ou inconsciemment à favoriser tel ou tel parent, voire à culpabiliser l’un ou l’autre des parents. C’est la raison pour laquelle l’opinion et la volonté de l’enfant ne sont pas déterminantes (5A_994/2018).
Il importe que l’enfant puisse comprendre qu’il est de son intérêt à continuer à développer ses relations aussi bien avec son père qu’avec sa mère et les deux parents devraient, eux aussi, comprendre qu’il en va là de l’intérêt de l’enfant et qu’il faut donc surmonter ses éventuelles réticences à être avec l’un ou l’autre des parents (ATF 127 III 295 ; 5C.67/2002).
La volonté de l’enfant est seulement un des nombreux critères à prendre en considération pour fixer le droit de visite. La portée de la volonté de l’enfant s’examine en fonction de son âge notamment. Lorsque l’enfant refuse de voir un des parents, il faut examiner les raisons et dans quelle mesure l’exercice du droit de visite va à l’encontre des intérêts de l’enfant. Une visite forcée est généralement incompatible avec l’objectif du droit de visite ainsi qu’avec la protection de la personnalité de l’enfant. Néanmoins, il ne faut pas déterminer à la légère la menace pour le bien-être de l’enfant (art. 274 al. 2 CC) ; le simple fait que l’enfant concerné a une attitude défensive contre le parent qui n’a pas la garde ne suffit pas à déterminer qu’il existe une menace (5A_56/2020).
Les déclarations d’enfants très jeunes (moins de 12 ans) n’ont qu’une portée probatoire limitée, car ils sont trop facilement manipulables ou manipulés (ATF 5A_119/2010 consid. 2.1.3).
Par contre, l’opinion des adolescents (à partir de 12 ans), ferme, déterminée et répétée, a de plus en plus de poids et est en général respectée par le Tribunal (5A_277/2021).
Le Tribunal reste dans tous les cas libre de décider, car la volonté de l’enfant ne se confond pas nécessairement et pas toujours avec l’intérêt supérieur de celui-ci (5A_407/2023 consid. 3.5.4 ; ATF 144 III 442 consid. 4.5.5).
Trois exemples :
- Un enfant de 14 ans vit avec sa mère (qui a la garde) et sa sœur majeure. Décès de la mère. Demande du père d’avoir la garde de l’enfant mineur. Opposition ferme de l’enfant qui préfère continuer à vivre avec sa grande sœur et son beau-père. Volonté de l’enfant respectée par les autorités cantonales et le Tribunal fédéral (5A_463/2017). Dans le même sens, s’agissant d’enfants de 12 et 14 ans qui refusent d’habiter avec leur père après le décès de leur mère qui en avait la garde et qui préfèrent vivre avec leur oncle et son épouse (5A_500/2023).
- Refus réitérés et fermes d’une fille de 16 ans de voir sa mère. Sa volonté est respectée et aucun droit de visite n’est donné (5A_415/2020).
- Refus d’une fille de 9 ans de voir son père qu’elle ne connaît que très peu. L’intérêt de l’enfant est d’apprendre à connaître son père et à nouer des relations avec lui. Un droit de visite à un Point Rencontre est accordé (ATF 127 III 295).
Les souhaits d’un enfant concernant l’attribution de l’autorité parentale et l’aménagement du droit de visite doivent être pris en considération lorsque le Tribunal statue sur ces questions, dans la mesure où il s’agit d’une résolution ferme et que l’âge et le développement de l’enfant permettent d’en tenir compte (5A_808/2022 consid. 4.1.2 ; 5A_277/2021 ; 5A_488/2017 ; 5A_469/2018).
- Le Tribunal évitera d’imposer des relations personnelles entre un parent et un enfant adolescent contre la volonté clairement exprimée et répétée de l’enfant (5A_367/2015). Lorsqu’un adolescent refuse tout contact avec un parent, il est plus prudent de gagner la confiance des enfants au moyen de lettres, afin d’établir gentiment ces contacts, et permettre ensuite au parent d’exercer effectivement son droit de visite. En effet, une telle approche par petits pas est plus prometteuse sur le long terme (5A_469/2018).
- On pourra aussi rappeler à l’adolescent-e qui refuse tout contact avec l’un de ses parents qu’il peut en résulter que le parent — qui n’a pas de responsabilité dans le refus de l’enfant et a fait tous les efforts qu’on pouvait attendre pour nouer des relations normales — n’ait plus à payer de contribution dès la majorité de l’enfant (5A_647/2020). Voir le dossier sur l’enfant majeur.
- Le Tribunal peut même renoncer à décider des relations personnelles (droit de visite en autre) lorsqu’un adolescent de 13-14 ans s’oppose fermement et régulièrement à tout contact (5A_367/2015).
- Il n’appartient pas à l’enfant — même adolescent — de décider d’avoir ou non des contacts avec le parent non gardien, spécialement lorsque l’attitude négative envers le parent qui n’a pas la garde est essentiellement déterminée par l’attitude de l’autre parent (5A_941/2020).
- L’intérêt de l’enfant prime l’intérêt des parents (5A_277/2021).
- Même des « contacts de mémoire » (Erinnerungskontakte en allemand), pour se rappeler que le père existe, limités à un jour par semestre, peuvent ne pas être ordonnés, vu l’opposition ferme, répétée et constante de deux adolescents de 14 et 17 ans (5A_647/2020).
Pour approfondir sur la question de la volonté de l’enfant, voir l’article (payant) publié en 2023 par Sabrine Brunner et Marie Meierhofer.
Expertise de crédibilité
Lorsqu’un parent accuse l’autre d’actes pénaux envers l’enfant (attouchements sexuels, par exemple), il est fréquent qu’une expertise de crédibilité des déclarations de l’enfant soit ordonnée (par exemple 6B_146/2020).
Ce qui permet souvent d’écarter rapidement des accusations purement malveillantes et infondées (7B_28/2023).
Pour approfondir sur l’expertise de crédibilité, ses conditions et sa portée, voir les articles (payants) de Nathalie Gondois « Place et incidence de l’expertise de crédibilité dans la procédure pénale » (2020), ainsi que « Begutachtung der Glaubhaftigkeit von Kinderaussagen » (2010) de Susanna Niehaus.